Animaux sauvages : la bataille du fichage

Antispécisme
date 17 avril 2025
author Richard sur Terre

La FBB dénonce un projet d’arrêté « dangereux » pour les animaux sauvages. Mais derrière l’émotion, le texte vise surtout à renforcer la traçabilité et clarifier la loi.

La faune sauvage ne se réglemente pas à l’émotion

La Fondation Brigitte Bardot (FBB) alerte : le projet d’arrêté modificatif de l’arrêté du 8 octobre 2018, actuellement en consultation publique jusqu’au 3 mai 2025, serait un « arrêté dangereux pour les animaux sauvages ». Elle prend pour exemple Rillette, une laie apprivoisée jadis menacée d’euthanasie, puis sauvée de justesse grâce à une mobilisation médiatique et juridique. À l’époque, l’arrêté de 2018 avait été un outil de défense. Aujourd’hui, la FBB affirme que sa modification interdirait de futures « Rillettes » de rester auprès de leurs sauveteurs.

Derrière cette narration poignante, se dessine une critique de fond : selon la Fondation, le texte empêche désormais toute souplesse dans les cas de sauvetage d’animaux sauvages blessés, notamment quand les centres de soins sont saturés et que l’animal, trop imprégné, ne peut plus être relâché.

Mais cette vision soulève plusieurs malentendus.

Un arrêté pour encadrer, pas pour raconter des histoires

Le projet d’arrêté en question vise essentiellement à améliorer la lisibilité du droit, à corriger des imprécisions, et surtout à renforcer la traçabilité des animaux d’espèces non domestiques. Il traite de marquage, de fichiers d’identification (i-fap), de dérogations encadrées, et de conformité aux règlements européens (notamment CITES). En bref, un texte conçu pour rationaliser l’existant et mieux faire respecter la loi.

Rien dans ce projet n’interdit explicitement de recueillir un animal blessé. Ce qui est renforcé, c’est l’obligation d’origine légale pour pouvoir le garder de manière durable. Et c’est là que le bât blesse : pour l’administration, un animal prélevé dans la nature sans autorisation ne peut pas, par défaut, avoir une origine légale. Et donc, sa détention est illégale. D’où les nombreuses saisies, et parfois, les euthanasies ordonnées.

Mais ce n’est pas nouveau. Et ce n’est pas non plus directement une conséquence du projet de modification. La critique de la FBB cible en réalité un problème préexistant, lié à l’interprétation très rigide de la notion d’origine légale par certaines préfectures. Ce que la FBB dénonce donc, ce n’est pas tant le projet lui-même que l’inflexibilité bureaucratique qu’il risque de renforcer.

Sauvetage ou détention illégale ? Le flou compassionnel

Il faut le reconnaître : la détention d’un animal sauvage apprivoisé relève souvent du flou juridique. L’animal blessé est d’abord sauvé dans l’urgence, mais ensuite ? Si l’attachement s’installe, s’il ne peut plus être réintroduit, faut-il le confier à un refuge ? L’euthanasier ? Laisser faire ?

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La FBB propose que la réglementation reconnaisse ces cas à part, ces zones grises du lien humain-animal. Mais là encore, elle se heurte à une limite de principe : la loi ne peut pas être écrite pour des exceptions. Une réglementation générale ne peut pas reposer sur l’émotion, sans quoi elle devient elle-même injuste ou incohérente.

L’alternative ? Prévoir un cadre spécifique pour les situations exceptionnelles, mais sans les inscrire dans un arrêté de portée générale. Cela suppose un dialogue entre le ministère, les préfectures et les acteurs de terrain — pas une pétition en ligne ni un appel au rejet global du texte.

Une indignation révélatrice

En définitive, la sortie de la Fondation Brigitte Bardot révèle moins un « scandale réglementaire » qu’un désaccord de fond sur la manière de concevoir le rapport à l’animal sauvage. Là où l’État parle traçabilité, conformité, marquage, la FBB parle lien affectif, sauvetage, compagnonnage.

Ces deux logiques peuvent coexister — mais à condition de ne pas tout confondre.

Ce projet d’arrêté n’est ni un outil de répression ni une attaque contre les sauvetages d’animaux blessés. Il n’est pas parfait, sans doute, mais il s’inscrit dans une politique plus large de transparence et de contrôle, qui vise aussi à lutter contre les trafics et les détentions abusives. Des objectifs qui, à bien y regarder, devraient aussi servir la cause de la protection animale.

Peut mieux faire, mais pas en criant au loup

Le texte pourrait, à juste titre, intégrer davantage de souplesse pour les cas d’urgence. Il pourrait aussi être accompagné d’une circulaire clarifiant la marge d’interprétation laissée aux préfets. Mais appeler à son rejet pur et simple, comme le fait la FBB, revient à jeter le bébé avec l’eau du bain — et à bloquer des améliorations attendues depuis 2021 par nombre de professionnels, vétérinaires, éleveurs et gestionnaires de la faune captive.

Rillette n’est pas seule au monde. Elle mérite d’être entendue. Mais pas de dicter la loi.

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