Comment la gauche a trahi la France des campagnes

Chasse Actu
date 11 septembre 2024
author Richard sur Terre

Renaud Large, communicant habile et observateur fin des évolutions politiques, livre un constat glaçant dans sa tribune au Figaro : la gauche, en dépit de sa victoire aux législatives de 2024, a largement perdu la bataille des campagnes.

Renaud Large, dans sa tribune au Figaro, le dit sans détour : la gauche a « minimisé la dimension culturelle » du rejet dont elle est victime. Cette phrase est d’une justesse implacable. Les élites de gauche, installées confortablement dans leurs salons parisiens, ont relégué des pratiques populaires comme le loto, le camping ou le bingo au rang d’archaïsmes, méprisées et dédaignées. Tout ce qui fait le quotidien de nos territoires ruraux est jugé indigne par ceux qui détiennent aujourd’hui le pouvoir de gauche. Ce fossé entre les pratiques culturelles des campagnes et celles des métropoles illustre une rupture nette : la gauche a perdu le contact avec la France qui travaille, celle qui vit loin des grandes villes, celle des racines profondes et des traditions.

Large convoque ici Pierre Bourdieu, pour rappeler que la consommation culturelle participe à la structuration des classes sociales. Rien de nouveau, certes. Mais là où la réflexion devient piquante, c’est quand Large transpose cette idée à notre époque : la gauche, autrefois championne des classes populaires, est devenue la servante d’une bourgeoisie culturelle. Une gauche qui a fait du parisianisme un mode de vie, laissant la France rurale sur le bas-côté. Et de quel côté ? Celui des « beaufs », des « ploucs », des gens qu’on regarde de haut. Ce n’est plus seulement une différence de goût, c’est un mépris assumé.

Prenons l’exemple du cinéma : alors que les salles parisiennes regorgent de films intellectuels acclamés par la critique, les campagnes plébiscitent des comédies populaires ou des films d’action, dédaignés par les cénacles culturels. Cet écart, parfaitement analysé par Large, illustre la déconnexion abyssale entre l’élite de gauche et le peuple des campagnes. La culture populaire, autrefois magnifiée par une gauche qui citait Aragon et Dard, est aujourd’hui reléguée à la marge. Et le problème ne s’arrête pas là.

La fracture est bien plus profonde. Large observe que les traditions rurales sont devenues des terrains de résistance face à une gauche qui ne les comprend plus. Pire, qui les combat. Qu’on pense à la corrida, à la chasse, ou même au barbecue : autant de symboles d’un mode de vie que la gauche méprise et qu’elle voudrait effacer. L’exemple est frappant avec la proposition de loi visant à interdire la chasse les week-ends et jours fériés. Cette mesure n’est rien de moins qu’une déclaration de guerre à la ruralité, une insulte aux chasseurs, autrefois électeurs de gauche, désormais tentés par d’autres horizons politiques. Que reste-t-il à ces Français des campagnes ? Ils ne sont plus que des spectateurs d’un monde politique qui les ignore.

A lire sur le même sujet : Opinon – Et ça vous étonne ?

Dans son texte, Large ne fait pas que décrire le mépris culturel de la gauche, il en fait le symptôme d’une rupture plus large, presque anthropologique. La gauche est devenue l’incarnation d’une « Kulturindustrie » qui impose son esthétique urbaine à tous, dénigrant les modes de vie ruraux. Et dans cette fracture, une question fondamentale se pose : comment une gauche, qui se voulait autrefois le porte-drapeau des petites gens, a-t-elle pu trahir à ce point son propre peuple ?

Il n’y a qu’à voir comment, à l’exception de figures marginales comme François Ruffin ou Fabien Roussel, aucun élu de gauche ne prend la défense des traditions rurales. Où sont les plaidoiries en faveur des fêtes de village, des courses camarguaises, des fêtes de la moisson ? Silence radio. Car à Paris, défendre ces pratiques, c’est se placer du côté des perdants. C’est risquer d’être taxé de « populisme », un mot que la gauche adore brandir dès que le peuple ose rappeler qu’il existe.

Évidemment, Large reconnaît que le problème n’est pas seulement culturel. Le divorce entre la gauche et les campagnes s’explique aussi par des raisons économiques, par des choix désastreux d’aménagement du territoire, ou encore par la question de l’immigration. Mais ce qui est flagrant dans son analyse, c’est que la rupture culturelle est devenue irréversible. En 20 ans, la gauche n’a rien fait pour réparer ce lien, et aujourd’hui elle en paye le prix électoral.

Renaud Large pose un diagnostic dur mais nécessaire : si la gauche veut retrouver la confiance des campagnes, elle doit réhabiliter les modes de vie populaires, redonner du lustre aux traditions rurales et cesser de mépriser ceux qu’elle prétend défendre. Il est encore temps pour elle de renverser la vapeur. Mais il faudra bien plus qu’une réouverture des postes ou des services publics. Il faudra surtout qu’elle réapprenne à aimer la France des campagnes. Une France qui attend, avec de plus en plus d’impatience, qu’on lui rende sa dignité.

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15 Commentaires :
  1. CORNILLON Yves
    11/09/24

    Petite devinette :
    Quel est le parti politique qui s’est battu pendant des années pour obtenir une augmentation de la pension de retraite des agriculteurs et agricultrices ? ?
    Petite aide : ce parti y est est parvenu en utilisant une niche parlementaire

    1. Olivier MEAU
      12/09/24

      Il me semble me rappeler que c’est le PC?

  2. Alain
    11/09/24

    Cette débacle a commencé il y a plus de 20 ans quand les caciques du PS ont préféré écouter l’avis des « think tank » et autres cabinets de consulting plutôt que de prêter l’oreille à leurs élus de terrain.
    Aujourd’hui, l’effet est amplifié (et pas seulement à gauche) par l’incompréhension totale du fonctionnement des réseaux sociaux dont font preuve les politiques : ils ne comprennent pas qu’un groupe d’aboyeurs sur X ou ailleurs ne représente absolument pas l’avis général des français.
    Mais bien sûr, pas question d’écouter les maires et élus de terrain qui, eux, sont vraiment au contact de la population et des problèmes quotidiens.

  3. Philippe
    11/09/24

    Texte très juste. Longtemps électeur de gauche, je n’ai plus que du dégoût pour elle. Le divorce est consommé.

    1. Ajh
      11/09/24

      Idem

  4. Robert Lombardi
    11/09/24

    Idem !-

  5. Lolo0126
    12/09/24

    Idem ! Mais nous voudrions toutes et tous tellement, comme nos candidates Miss France, la paix sur Terre pour les hommes (Oui, et les femmes…) de bonnes volonté… ! 😉

  6. Ambroise
    12/09/24

    Ex électeur de gauche qui n’a pas du tout goûté la gauche plurielle de Jospin et de sa sinistre ministre de l’environnement, la Voynet, qui a d’ailleurs fait son retour en toute discrétion à l’Assemblée nationale.
    Je suis désormais à des années lumière de leur idéologie.

  7. Sylvain Bergaste
    12/09/24

    J’ai toujours eu un penchant pour les idées de gauche, porteuses d’un espoir d’égalité, de solidarité, de bien commun… Bon, raté. La « gauche » ayant perdu largement sur le plan économique (on n’aime pas les excès du capitalisme mais, on profite tous très largement de ses avantages), elle a investi le champ du culturel et plus largement du mode vie. Et de mode de vie, il n’y en a qu’un et il est urbain. Le reste, c’est effectivement pour les ploucs. Et il doit disparaître. Un voisin éleveur m’a récemment fait part de cette réflexion : « On bosse comme des forcenés pour produire la meilleure viande possible (ici, des blondes d’Aquitaine) et des animateurs snobinards d’émissions de cuisine ne jurent que par le boeuf de Kobé ». Cela peut paraître un peu trivial et réducteur comme réflexion mais, elle porte une partie de la réalité du mépris dont fait preuve une pseudo-élite auto-proclamée et ivre d’elle même et de son mode de vie factice. En tout cas, on ne m’y reprendra plus jamais.

  8. Nico
    12/09/24

    Bonjour à tous,
    Le constat du mépris pour tous ceux qui n’adhèrent pas au progressisme culturel (pourtant martelé avec force) est évident . Cependant, la soit disante « alternative » de droite vaut-elle mieux ?
    Peut être faut-il commencer par définir ce que l’on veut défendre. Rappelons-nous qu’il n’y a pas si longtemps, dans ce qu’on appelle la France, il y avait une multitudes de langues, de manières de se transmettre des noms de familles et des terres. Les unités de mesures étaient même différentes d’une « région » à l’autre. Les organisations sociales étaient variées, les pratiques ancrées dans des territoires et des histoires locales.
    Des chercheurs ont exposé depuis longtemps (notamment l’anthropologue James C Scott dans « l’oeil de l’état ») comment les états, quelques soit leur étiquette politique, doivent homogénéiser culturellement leur population afin de gouverner le plus efficacement possible . Évidemment, plus la population est docile ,mieux c’est.
    Que ce soit l’imposition de la langue française au 19e siècle, l’attaque de pratiques culturelles comme les chasses, la volonté d’effacer la mort dans nos sociétés, la diffusion massives d’ecrans permettant d’être branché en permanence sur une propagande ou une autre…. Tout Ça fait parti de ce mouvement d’homogénisation culturelle. Que l’état soit capitaliste, socialiste, bleu rouge ou vert, la dynamique est toujours dans la même direction, et si possible à grand renfort de technologie de pointe pour une efficacité toujours améliorée.
    La droite identitaire, qui sature le discours public de « France », « tradition française « …etc, oublie de nous dire que la « culture française  » est apparue très récemment dans notre histoire et s’est construite sur la destruction et l’effacement de cultures régionales populaires vieilles de plusieurs siècles …
    Vouloir défendre une « identité française » en invoquant des traditions régionales, ça ferait se retourner dans leurs tombes plus d’un de nos aïeux ….

    1. Françoise
      13/09/24

      Tout à fait d’accord avec cette analyse.

  9. Françoise
    13/09/24

    J’ai du mal à comprendre que la corrida entre dans le fourre-tout (je ne parle pas des courses camarguaises). C’est justement un spectacle odieux que les élites politiques et intellectuelles de gauche fréquentent et ils s’en vantent largement en faisant savoir que ceux qui ne comprennent pas cette magnifique culture sont des ploucs.

    1. Françoise
      13/09/24

      Tout à fait d’accord avec cette analyse.

  10. serge
    14/09/24

    Laménagement du territoire est une cause de la débacle, l’idéologie « supérieure » des penseurs vivants en ville a fait le reste. Nos brillant intervenants télévisuels disent avec pour certains vivre à la campagne et en sont fiers. Campagne oui mais à Versaille ou en Seine et Marne à un jet de flèche de Paris. Ils connaissent de la campagne les 15 jours d’été à la maison de papi ou tata Martine autour d’un BBC mais aucun n’a de bottes ou de cannes à peche. La compréhension de la vie rurale s’arrete autour d’un feu dans un insert chez un copain. Les paysans sont des hommes bourrus sans dent « paroles d’un ex président de la république », ce sont des hommes et des femmes qui aiment le coin de terre où ils sont nés. Souvent ils bien plus sincères et fidèles que les élites parisiennes. Je suis de la campagne, j’ai des bottes des cannes à peche je chasse je vais aux escargots aux champignons et bordel que c’est bon d’avoir des enfants et petits enfants qui savent reconnaitre un chêne un pin un épicéa qui savent faire la différence entre un chevreuil et un cerf un lapin d’un lièvre et qui comprennent que la vie ce n’est pas le béton.

  11. C. Babinet
    17/09/24

    De toute façon, qui a besoin de « La Gauche » ?
    Pas moi…

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