Un loup préhistorique ressuscité ?

Chasse Actu
date 09 avril 2025
author Léa Massey

Colossal Biosciences affirme avoir ressuscité le redoutable loup géant préhistorique. En réalité, il s’agit de loups gris génétiquement modifiés pour lui ressembler. Derrière l’annonce tonitruante, une prouesse technique… et beaucoup de storytelling.

Les titres sont spectaculaires, les images séduisantes, et l’imaginaire collectif s’emballe : “Le loup géant de l’ère glaciaire est de retour !” “Colossal ramène à la vie une espèce disparue depuis 10 000 ans !” On croirait un synopsis de Jurassic Park. Sauf qu’ici, le terrain n’est pas le cinéma, mais la communication scientifique, et la frontière entre prouesse génétique et storytelling marketing s’avère… poreuse.

Car non, le loup géant préhistorique, ou “dire wolf”, n’a pas été ressuscité. Pas plus qu’on ne ramènerait Napoléon à la vie en affublant un figurant de bicorne et de redingote.

Une naissance annoncée… et exagérée

Le 1er octobre 2024, la start-up américaine Colossal Biosciences a annoncé la naissance de Remus et Romulus, deux louveteaux mâles, rejoints en janvier par Khaleesi, une femelle. Trois petits loups élevés sous haute surveillance, dont la société affirme fièrement qu’ils incarnent “le retour du dire wolf dans l’écosystème”.

Mais dans les faits, ces animaux ne sont ni des fossiles vivants, ni des clones de leurs ancêtres éteints. Ce sont des loups gris (Canis lupus) — l’espèce bien vivante qui hante déjà les forêts d’Amérique du Nord — modifiés génétiquement pour ressembler extérieurement aux loups géants disparus (Aenocyon dirus). Nuance de taille.

Le vrai dire wolf : un cousin lointain, pas un frère

Physiquement, le dire wolf ressemblait beaucoup au loup gris : un grand canidé au pelage pâle, une stature imposante, une gueule massive. Mais les apparences sont trompeuses. En 2021, une étude majeure en génétique a révélé que ces deux espèces n’étaient pas des proches cousins, mais des parents très éloignés ayant divergé il y a environ 6 millions d’années.

À tel point que des espèces comme le lycaon, le chacal ou le dhole asiatique sont en réalité plus proches du loup gris que ne l’était le dire wolf. C’est dire la distance génétique.

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Beth Shapiro, chercheuse chez Colossal, affirme que les deux espèces partagent 99,5 % de leur ADN. Ce chiffre semble rassurant, mais ramené aux 2,4 milliards de bases que compte le génome du loup, cela représente tout de même des millions de différences. Autant dire que le dire wolf n’est pas un loup avec des dents plus longues, mais un autre animal.

De la génétique au spectacle

Alors, pourquoi tant d’emphase ? Parce que le rêve de “ramener les espèces disparues” vend, tout simplement. Colossal, qui se présente comme pionnière de la “dé-extinction”, multiplie les annonces fracassantes : recréation du thylacine (le tigre de Tasmanie), renaissance imminente du mammouth laineux, et désormais, “retour” du dire wolf.

Mais ces annonces reposent souvent sur une interprétation généreuse des faits scientifiques, et surtout, sur une stratégie assumée de narration. Donner à des loups génétiquement édités des noms comme Romulus ou Khaleesi n’est pas innocent : c’est jouer avec les symboles, flatter l’imaginaire collectif, et brouiller les lignes entre science, fiction et publicité.

Une prouesse technique, pas une résurrection

Soyons justes : modifier l’ADN d’un animal pour lui donner certaines caractéristiques d’une espèce disparue, c’est un exploit. Une prouesse de bio-ingénierie que peu d’équipes au monde peuvent revendiquer. Mais on ne recrée pas une espèce en copiant quelques fragments de son apparence, tout comme on ne fait pas revivre Mozart en confiant un clavecin à un élève en perruque.

Ces loups ne sont pas des reliques du passé ressuscitées, mais des chimères contemporaines, façonnées pour coller à une image. Une sorte de cosplay génétique.

La fascination du mythe

En réalité, ce que Colossal ressuscite ici, ce n’est pas l’espèce, mais le fantasme. Celui d’un monde où l’on maîtriserait le vivant à volonté, où les espèces perdues reviendraient par la seule puissance de nos laboratoires. Un monde où l’histoire naturelle s’inclinerait devant le code génétique comme devant un grimoire magique.

Mais la biologie, elle, reste têtue. Et malgré toutes les manipulations, un loup reste un loup — même bardé de modifications censées lui donner l’air plus “préhistorique”.

Un loup, pas un miracle

Les trois louveteaux de Colossal ne sont pas des reliques sorties de la glace, ni les premiers pas d’une “Arche de Noé 2.0”. Ce sont des animaux vivants, modifiés, élevés en laboratoire, porteurs d’un immense effort technique… mais aussi d’un grand malentendu médiatique.

Alors, avant de s’émerveiller devant les “résurrections” annoncées en fanfare, un conseil simple : lire entre les lignes. Car derrière le rugissement du loup préhistorique, c’est souvent la voix du marketing qui hurle à la lune.

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2 Commentaires :
  1. MG
    09/04/25

    En fin de compte si c’est jurassic park, le livre. Pour financer son « rêve », le propriétaire du parc montrait un éléphant nain a des investisseurs pour réaliser la levée de fonds. Un éléphant nain ou un loup géant, c’est le même but au final

  2. Bruckner daniel
    12/04/25

    Quoi qu’il en soit certains scientifiques jouent avec le feu. Pour l’instant ça semble être de l’esbrouf mais qu’en sera t’il plus tard. Je vois bien un super loup mettre le bazar dans nos campagnes.

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