Un chasseur devenu chef végan

Le transfuge, c’est une sorte de Graal du militantisme. Je suis un ancien truc, et puis j’ai réalisé à quel point je me trompais pour rejoindre les machins qui combattent les trucs.

A ce petit jeu qui, finalement, n’éclaire sur pas grand-chose, Vakita a trouvé sa perle :

Le coup du « chasseur repenti » est un classique qui fonctionne toujours et ma foi, ce garçon m’a l’air tout à fait sympathique.

Mais finalement, je me suis dit que c’était le bon moment pour ressortir cet article que j’ai écrit en 2021, et qui parle d’Aimy Giverdon, ex anti chasse à courre à la sauce AVA (Abolissons la Vénerie aujourd’hui) devenue elle-même chasseresse.

Oui l’histoire est belle aussi dans ce sens-là ; et puisque je pense vraiment que ces pirouettes ne renseignent sur pas grand-chose, prenons donc cette histoire pour ce qu’elle est : la démonstration qu’on n’est pas des robots, et qu’on peut changer, regarder, évoluer dans un sens, puis dans un autre.

Ce qui me rassure finalement, c’est qu’il existe encore des humains capables de s’extirper des tribus pour penser le monde par eux-mêmes.

Je ne ressens aucune animosité envers Tommy, qui a simplement emprunté un chemin qui lui convenait mieux. Tout comme je pense qu’il faut accueillir le chemin de vie d’Aimy avec la même bienveillance.

Bien au-delà des guéguerres de clochers qui voient s’affronter les chasseurs et les anti-chasse dans une répétition qui frise l’aliénation, regardons simplement les choses : il existe Tommy, et puis il existe Aimy. Gardons-nous d’en faire des drapeaux. Ce sont juste des humains.

Voici donc cet article que j’ai écrit en 2021 :

Aimy Giverdon est une jeune femme qui a une grande particularité. Aimy Giverdon pense.

Dans ce monde numérique où l’on consomme l’information en glissant son pouce sur un écran sale, l’Homo Sapiens pensant est à inscrire sur la liste des espèces menacées. C’est pourquoi il est primordial de lui accorder toute l’attention qu’elle mérite, et d’encourager les autres représentants de son espèce à l’imiter.

Aimy Giverdon était membre de la milice anti chasse à courre AVA, Abolissons la Vénerie Aujourd’hui. Mais, comble de la trahison, elle a décidé de se faire une idée par elle-même de ce qu’était la chasse à courre. Quelle insolence ! Vouloir à tout prix savoir qui était son ennemi pour mieux le combattre ! « N’écoute pas les chasseurs ! Ils vont te retourner le cerveau ! », lui crièrent ses acolytes, l’écume aux lèvres et le regard torve.

Partant du principe que seuls les esprits faibles sont malléables, Aimy a persisté dans sa quête de vérité. Elle a posé des questions, observé, tenté d’approcher le cœur des motivations de ces cavaliers en tenue traditionnelle, douté un peu.

Ses camarades de lutte la voyaient pratiquer un sport qui leur était inconnu ; et la paupière tremblante, le cul vissé sur le siège passager d’une voiture municipale, ils s’interrogèrent :

« Mais que fait-elle donc, cette femme, à sourire aux sourires, a prendre les mains tendues, à caresser les chiens ? Traîtresse ! Vendue ! Bourgeoise ! »

Aimy venait de briser un tabou. Elle venait de mettre un pied en dehors du dogme pour exister par elle-même. Aimy pratiquait la mesure, l’ouverture, le bon sens, à contre-courant absolu des règles de son époque.

Et à force de côtoyer les chasseurs, de leur poser des questions, de pratiquer l’honnêteté intellectuelle, Aimy Giverdon a réalisé qu’elle s’était trompée de camp. Oups ! Error 404.

Elle a phagocyté l’algorithme.

Pourquoi cette histoire est-elle si emblématique ? Parce que nous vivons un temps tribal, où chacun construit son identité à travers le dogme de communautés plus étriquées chaque jour, et qui s’affrontent en de sanglantes batailles 2.0.

L’absence de repères pousse l’âme humaine vers le groupe, presque choisi au hasard, du moment qu’il existe, et qu’il permet de reclasser le monde en catégories facilement identifiables. Les gentils défenseurs du cerf, les méchants veneurs. Voilà qui est simple, et qui donne une direction vers laquelle je sais marcher.

Aimy est libre, elle, de se mettre en colère, de voir, de comprendre, et de changer d’avis.

Certains la disent Judas, parce qu’elle a mis en danger la cohésion du groupe. Moi je la vois heureuse d’être un homo sapiens pensant qui sait encore regarder son époque.