Un jour dans notre vie, que nous soyons puissants ou misérables, la grâce se penche sur nous et nous touche. Le temps d’une petite semaine, je l’ai vécu entre amis… Merci Seigneur !
Texte et photos : Jean-Marc Fédérer (sauf mentions contraires)
La Toussaint
La Toussaint, cette fameuse Toussaint, qui selon les mythes cynégétiques et champêtres emplie bois et marais de bécasses, oies, grives, champignons, palombes et canards. J’avais eu la chance de vivre les cèpes, les trompettes de la mort, les grives, les pieds bleus, les palombes, les chanterelles en tube, les gueuletons sans nom à la palombière, un peu les bécasses… mais les canards et les oies, que nenni ! Enfin soyons objectifs, une paire de sarcelles par-là, un couple de siffleurs par-ci et parfois un souchet ou une bécassine égarée… De quoi se faire plaisir, mais rien de mythique ! Quant aux grands oiseaux gris… comment dire, j’en avais vu à la Toussaint comme des arrêtes dans un poulet…
J’ai même souvenir de mon pauvre neveu Dimitri qui vivant loin de nos pays de réjouissances gabionnesques, avait fait le voyage quand il était collégien, lycéen et étudiant, depuis la Drôme pour, en 6 nuits autour de la Toussaint, voir une sarcelle se mouiller les palmes lors d’une passée du matin… Bref pour mes collègues de gabion et moi, la Toussaint c’était plutôt un truc dont nous parlaient les anciens, façon Guerre de 39-45 ; et aussi le baroud d’honneur des derniers moustiques avant que l’automne prenne définitivement possession de nos marais.
Puis, il y a cette rumeur à l’Est… vers le 18-20 octobre. Windmig nous fait-il un coup de « pornmig » ou nous dit-il vrai ? Je lance mes sites de référence… une petite douzaine. La météo polonaise, la météo belge, anglaise, météocut, météo60, la météo maritime du port du Havre, windguru et bien sûr un coup de Canard1 car c’est le seul de tous qui se base sur des comptages et des observations et puis parce que c’est culturel. Le verdict tombe ! La moitié dit gauche et les autres disent droite. Le lendemain, tout est barré à l’ouest… Et même au sud-ouest. 15°C, du sud-ouest à la Toussaint, c’est le moment d’inviter madame au restaurant et au cinéma pour remettre des points sur le permis de chasser. Je passe un coup de fil à mes complices de hutte. L’un grogne, c’est dans son caractère. L’autre est plus suspicieux, dubitatif. Un peu comme moi. Cela peut se remettre dans le bon sens… Mais nous sommes tous les 3 d’accord sur un point… si cela s’y met… attention ! Car à l’exception d’un petit coup sympathique du 25 août à début septembre et d’une petite resucée vers le 15 septembre à la faveur d’une fenêtre d’Est de 36 heures, c’était encéphalo-cardiogramme plat.
Ouvrir et découvrir…
Du 21 au 24 octobre les météos se contredisent tour à tour. Un coup à gauche, un coup à droite, un coup dans le zig, un coup dans le zag… les modèles tergiversent. Par superstition nous n’en parlons pas trop. Tout le monde sait – ou tout du moins fantasme – ce qu’il se passera si l’Est l’emporte. Mais un peu comme un secret de famille, dont même le chien est au courant, personne n’en parle… au cas où !
Enfin arrivent les 25 et 26 octobre. Le temps est toujours à l’envers, mais le coup d’est-sud-est se confirme et devrait commencer dans la nuit de dimanche à lundi…
A moins de trois jours, les choses commencent à devenir sérieuses comme le dit notre ami Jean-Louis Soufflet. Nous sommes encore dans la montée de l’escalier pour reprendre les termes de notre ancien rédacteur en chef, Thierry Delefosse, mais l’incertitude demeure. En revanche, si cela tient, c’est le feu d’artifices avec une dégringolade des températures de plus de 10°C. Le samedi 26 octobre il fait 13-14°C, lundi 28, il fera 7-8°C et dans la nuit de mercredi, le baromètre devrait afficher 2°C.
Le vent lui montera de l’est au sud-est en forçant à 50 km/h les nuits de mardi et mercredi. Rien que d’y repenser, je braverais le confinement et sortirai les canes des nichoirs… Mais si les planètes s’alignent, quand on commence à avoir une légère expérience du gabion, on sait que rien n’est joué d’avance…
Les gars et moi n’osons trop en parler. Nous échangeons étrangement moins de que coutume, superstition quand tu nous tiens, même si nous commençons à partir du samedi après-midi à prévoir « au cas où » … Dimanche 27 à midi, là les choses sérieuses s’annoncent. La fébrilité s’empare de nous. Le casting est fait. Nous serons quatre dans un gabion de quatre mais avec de sacrés clients ! Nous tangenterons les quatre quintaux. Il y aura mes deux loustics habituels et un petit jeune de 130 kilos que les mauvaises langues annoncent hors taxe.
Nous serons en Baie de Seine, lieu de toutes mes joies et de toutes mes désillusions et où je suis toléré par des passionnés attachants.
Lundi 16 heures, nous sommes au marais et tirons les bateaux et caisses à appelants. David, qui a mis un quart de seconde à voir mes grosses, tord le nez. Il n’aime pas les oies ni à l’attache, ni à chasser. Une moisson n’a pour lui pas plus de valeur qu’une sarcelle. Sur le fond je peux le comprendre, mais quand même un paquet d’oies toutes chantantes qui tourne et tourne avant de poser à grand bruit et en surfant les pattes toutes devant, cela a de la gueule. Les visages sont tout sourire. La passée du matin a été très bonne de la frontière belge au calaisis. Quelques éclaireurs ont même été jusqu’en Baie d’Authie et en Baie de Somme… Tout cela sent très bon ! La pique est dans nos têtes. Une fois les paquets de blettes réorganisés tout roule. Comme souvent, j’ai du mal à ne pas ouvrir les visées tous les quarts d’heure. Je me fais rabrouer… mais j’aime tellement ça ouvrir et découvrir. Les oiseaux sont en forme. Un coup de bec étrange mais plus marqué que les autres me fait interrompre une fois de plus l’apéro. David me chambre. Le petit Turc ne dit plus rien depuis longtemps. Il sait qu’il n’y a rien à faire, c’est un tic ou un toc, comme vous le voulez… Mais, ventre Saint-Gris, il y a quand même 3 milouins qui nagent à une quarantaine de mètres. Un petit triplé et plus une aile ne bouge. Pour les plongeurs blindés, c’est plutôt pas mal. Trois mâles milouin, nous font un sauvetage de bredouille amélioré. Nous enchainons sur un civet de lièvre gras des Flandres.
Puis les choses sont assez calmes. Il faut attendre minuit pour que la migration réveille les gabions, mais cela n’est pas pour nous. Cela tire bien en milieu de Baie, mais dans notre secteur c’est le grand calme.
La gloire du petit Paul…
Vers deux heures du matin, la Baie roule et notre coin est presque oublié. Nous sommes heureux avec une tiote pose par veille, mais nos copains plus en amont, eux sont dedans et pas pour rire. L’air de rien nous commençons à faire une jolie nuit. Une sarcelle d’hiver, puis une sarcelle d’été retardataire et enfin deux souchets viennent relever les trois premières veilles. Mes deux réguliers et moi savons que nous enchainerons les nuits, la dernière est pour le petit jeune. Je dors profondément sur le matelas d’appoint au pied des guichets. Une veille au créneau, puis deux autres à écouter les autres gabions tirer auront eu raison de mes forces. Du bruit de râtelier et un léger clic métallique font comprendre à mon esprit qui sombre qu’un heureux événement se confirme. Boum. Un siffleur de plus. Je plonge pour de bon dans le sommeil. Un énorme coup de gueule me sort des limbes, mais j’entends le copain au créneau. Je sais donc que la situation est gérée…
– « Jean-Marc, c’est posé ! »
Déjà réveillé mais toujours allongé, je demande : « Beaucoup ? »
La réponse mythique tombe : « Partout ! »
Je me lève d’un coup, mais mon camarade m’invite à la plus grand prudence…
« Ils sont tout près… !!!! »
Et ce bougre a raison, entre les blettes-piège à 22 mètres et le pied de bute 8 souchets sont là… Evidemment, ils ne sont à coup que 3 secondes. Nous réveillons les copains en douceur… par peur de faire repartir ce petit monde qui navigue tranquillement. Aucun tir voisin ne vient troubler la pose. Nous sommes aux guichets, près ! Les oiseaux s’éparpillent, il y en dans les lignes, dans les blettes. Le temps tourne. Or en Baie cela n’est pas bon… Chacun a un oiseau. Nous lançons le décompte et arrêtons là la migration de Toussaint de ces gros becs magnifiques. La nuit commence à être plus que sympathique. Nous nous tombons dans les bras et nous réjouissons. Nous sommes vernis. Le coin est toujours très calme et les secteurs qui tiraient se sont calmés. Il est 5h55. J’aurai à peine dormi deux heures, mais je ne tiens plus. Deux cafés et me voilà à accompagner Paul dans sa veille. 6h25, les canes forcent et surtout une jeune née par hasard – comme les chiens de chasse croisé porte et fenêtre, ce sont souvent les meilleurs oiseaux – grâce à une colvert cachée dans notre grand parc. Les sauvages serrent mais d’un coup et sans allonger comme pour seulement souligner l’arrivée imminente des migrateurs qui se jettent dans le piège. Je comprends que la pose arrive dans la seconde.
Un coup à droite rien. A gauche, ils sont là autour des deux pièges. Il y a des grands cous. Je distingue aussi des souchets. Cran d’arrêt, un, deux… Six restent sur l’eau. Paul exulte ! Sa plus belle nuit de hutte jusqu’au ce jour était de cinq bêtes. Nous sommes aux anges et ramassons trois pilets, deux souchets et un siffleur. Une sublime pose mélangée qui souvent annonce les gros coups de migration ! Cette fois-ci, tout le monde est debout et pour de bon. Nouvelle tournée de café.
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Combien il y a-t-il eu de poses cette nuit en Baie de Seine ?
Nous recevons des nouvelles de partout. Les Hauts de France ont vu du canard et même beaucoup. Le matin la migration est repartie de plus belle avec une très grosse passée. Toute la Normandie a été servie, mais pas autant que là-haut. Les copains du Sud ont eu les prémices… Nous parlons déjà de la nuit de mardi qui s’annonce grandiose. Nous rigolons et profitons de ces moments d’intense camaraderie.
La colvert crème force. Le jeu reprend. Quatre sarcelles se jettent. Une repartira. Plus besoin d’en jeter. Nous sommes comblés !
Mardi, la migration s’emballe et nous sentons le grand truc… Le vent force et tourne au sud-est. Le temps se bouche… Mais des histoires de marais comme il y en a partout et une incapacité à faire un sale coup à un ami en lui retirant la nuit sur mon gabion que je lui avais promis il y a longtemps font que nous chassons éparpillés. A part notre breton, normand d’adoption, nous y sommes. David dans le secteur de la cimenterie, moi sur le banc. Dès 21h, la Baie roule. De partout, j’entends les canes forcer, le vent rafaler, les gabions tirer. Il y aura des pma et pas qu’un. En début de nuit, David tombe dans les oies sans en avoir à l’attache… Cela me fait sourire… Aux innocents, les mains pleines… Nous ne nous étions pas trompés, la nuit est énorme. Une vraie grosse nuit d’arrivage. Les oiseaux de mon pote tournent à fond. Sarcelles, pilets, souchets, chipeaux se succèdent à la pose avec des fortunes diverses. Nous sommes régulièrement desservis, mais c’est le jeu pour tout le monde. Nous prenons de beaux paquets, mais loin.
La nuit est un régal jusqu’à ce que le jar de cendrée casse son attache. Une demi-heure à lui courir après dans la mare n’aura servi qu’à faire rater plusieurs poses. Nous l’aurons au jour.
Il monte à plateau avec sa femelle… Nous ne chassons plus les oies ! David fait sa nuit avec trois amis. Les souchets sont mis fortement à contribution. J’arrive finalement à dormir de 4 à 6h. Et heureusement car, j’ai réussi à me caler des déjeuners professionnels tous les jours de la semaine et je devrais me taper dans la semaine trois aller-retours Le Havre – Paris et un Le Havre – Amiens… A la dure, entre deux nuits, boulot !
Le jour arrive et la migration nous submerge. Des voliers immenses de grives barrent le ciel. C’est un flot continue. Je téléphone à David, mais il ne répond pas… Mon insatiable méridional a tant attendu ses oiseaux préférés pendant tout le mois d’octobre, qu’il est à coup sûr en dessous d’une veine… Des paquets de pilets passent à des hauteurs folles. Des sarcelles se jettent dans tous les sens. Les palombes déboulent en paquets énormes et les amis paloumayres vont bientôt se régaler… Quel spectacle ! Je suis dans la migration, la vraie, la folle, l’intense. Mon rêve de toujours s’exauce… Combien il y a-t-il eu de poses cette nuit en Baie de Seine ? Mille cinq cents ? Deux mille ? Les pma sont nombreux, mon Dieu, Saint-Hubert, MERCI !!!
Je passe un coup de fil au Petit Turc pour lui raconter tout cela avant de redevenir un homo sapiens businessis. Ni une, ni deux, il me dit : « la grande c’est ce soir ! La météo s’est améliorée. Le vent est plus fort, cela prend toute la Baltique et en plus il va pleuvoir… ». Si ce n’étaient ma conscience professionnelle et un respect absolu du client, je faisais demi-tour à la prochaine sortie d’autoroute. Douché et propre, me voilà dans un restaurant parisien à tenter de vendre ma soupe à un gugus qui a plus l’air concerné par ce qui se passe dans son assiette que par mon beau discours.
La partie est mal engagée, mais le bougre fait trainer… l’horloge tourne et je ne rêve que d’une chose, sauter dans ma voiture, filer vers la Baie et me transformer à nouveau homo sapiens gabionis. Un deuxième double expresso, l’addition et je fuis vers la vie.
J’avais prévu le coup et pour cette troisième nuit de rang, cela sera dos de chevreuil, pommes de terre sautées, un magnum de Beaune 1er Cru et un gâteau au chocolat fait par la femme de notre hôte René Van Dallmot. L’estuaire de la Seine nous tend les bras et nous serons dans une bonne cabane. Et en effet, cela pue le canard à plein nez…. Le Turc avait raison ! Nous attelons sans trainer, mais sans nous presser. Le bonheur est à prendre dans toutes les étapes de cette chasse fabuleuse ! La passée du soir est calme. Quelques coups de ci de là et pour nous rien. L’apéro est sympa, mais je suis électrique, comme l’air. Je sens quelque chose qui m’appelle du plus profond de mon être. Clément nous a rejoint. Pour sa quinzième nuit de gabion, il n’a jamais tué un canard au posé. Si ce soir… cela se confirme, c’est qu’il est maudit ! Vers 19h30, un premier bel appel me traine aux guichets. Rien. Vingt minutes plus tard, même musique. Je n’aime pas ça ! Les copains disent que les oiseaux donnent sur les grives que nous entendons par wagon dans le micro et sur les nombreux limicoles qui vadrouillent, mais définitivement, je n’aime pas ça… Je connais mes oiseaux et un truc ne va pas. Encore un coup de gueule sans pose. Cette fois-ci j’abandonne les copains. Pas de gâteau pour moi, je prends un verre de Bourgogne et me met au siège de veille. Les canes forcent. Les sarcelles reprennent. Une devient folle et monte dans les tours. Je ne reconnais pas cet oiseau. Cela doit être une des deux jeunes. Rebelotte, mais j’identifie la cane qui cogne. Enfin ! C’est une petite bavette, grosse comme à peine un poing. Jusque-là elle donnait deux à quatre coups et son nik nik nik me convenait parfaitement, mais là même par arrivage sa place est à l’attaque à côté des canes de mare. L’habit ne fait pas le moine et la taille la force. Pour preuve, Céline Dion ne pèse pas un quintal, loin de là !
Place au grandiose concert de la migration
Je sors décidé et remet de l’ordre dans la pique. J’en profite pour reculer une court cri que je trouvais aussi trop entreprenante. Et là la bêtise… Les deux canes dans la main, je passe l’émérillon à la patte de la sarcelle et lâche la court cri. Trois tours de mare façon Benny Hill, enfin je la tiens. Clément me dit regarde derrière. Et là magie. Dans les lumières du port du Havre, je vois arriver onze rieuses toutes chantantes. Elles sont splendides et se détachent comme des ombres chinoises. Elles cassent les ailes sortent les pattes… et vont poser chez le voisin. Quel spectacle ! Nous ne bougeons plus de peur de desservir les collègues. Les secondes semblent des heures et pourtant la pose est chez eux. Puis une rafale fend la nuit. Deux oies repartent à grand bruit. Le temps de remettre la court-cri à plateau et quinze aéronefs de type souchet passent à dix mètres à ma droite à hauteur des yeux avant de poser chez nous. David seul dans la salle de tir assure et sauve la bredouille en faisant un oiseau. Aucun n’était à coup. Le jeu se remet doucement des émotions crées par deux couillons courant dans l’eau derrière un de leurs semblables. La Baie commence à résonner tranquillement. 21h, un petit paquet de sarcelles tombe à trente mètres, 5/5. Nous sommes enchantés ! La première partie touche à sa fin, maintenant place au grandiose concert de la migration.
Des « onks onks » nous parviennent… Je prends les jumelles et un gros paquet de cendrées arrivent plein axe chez nos voisins. Nous les voyons arriver dans le home cinéma XXL de la Baie, c’est tout simplement extraordinaire. Nos voisins ont décidé de chasser les oies et ont bien fait !
Nous nous sommes concentrés sur les canards par choix et par nécessité : les oies nous ne savons pas bien faire… Ailes cassées, pattes sorties, elles glissent chez nos voisins. Trois pilets posent chez nous, mais nous ne tirons pas. Nous n’allons pas desservir vingt-cinq cendrées aux collègues. Une bordée du tonnerre fait décoller les pilets et bien sûr les oies qui ont été partiellement éclaircies… Là, le vrai « grand grand » truc est lancé. Une nuit d’arrivage comparable à celles de début décembre 2010, peut-être plus folle encore car il y a de tout. Les pilets sont les grands animateurs de ce début de nuit. Nous voyons passer des paquets de dix, vingt, trente, cinquante… Trop haut pour nous et qui seront pour le milieu et le fond de Baie. Mais ne nous plaignons pas, une paire vient nous voir de près. Le jar de cendrée des voisins leur en dessert pas mal. Les oies l’aiment, mais pas les pilets. Un autre paquet d’oies est aimanté par le jar en feu. Nous sommes au premier rang et nous nous régalons. Elles posent et resteront. Mon Dieu, quelle nuit ils sont en train de faire… !!!
Un coup à droite rien. A gauche, ils sont là autour des deux pièges. Il y a des grands cous. Je distingue aussi des souchets. Cran d’arrêt, un, deux… Six restent sur l’eau.
Un énorme ballon de sarcelles
Chez nous, deux souchets posent dans les pièges, 2/2. Puis une sarcelle rase la ligne de pose dans la longueur en s’éloignant. Ce refus de pose est inexplicable ! Je la suis des yeux et la perspective s’ouvrant je vois une deuxième sarcelle la rejoindre. Voilà la raison du refus de pose. Puis elles continuent leur route, tout droit dans les lumières du port et d’un coup les deux sarcelles deviennent quatre-vingt. Là, je comprends mieux ! Je suis ce ballon de sarcelles virevolter. Elles vont saluer le jar et nous reviennent au vent. Entre temps, j’ai appelé les copains aux trappes. Elles posent dit David. L’avant du paquet a les pattes qui touchent, soit vingt-cinq oiseaux, les autres sont derrière. Mais le voisin de droite tire… Nous sommes comme des dingues ! Tellement déçus… Non que nous manquions de canards et surtout nous savons que nous en verrons d’autres, la nuit ne fait que commencer. Mais voir ça en direct, un énorme ballon de sarcelles poser, comment dire cela peut ne pas arriver d’une vie de gabionneur ! Les poses s’enchainent. Trois sarcelles, puis huit siffleurs, puis cinq pilets, puis deux souchets, puis douze chipeaux, puis huit sarcelles. Nous sommes desservis souvent. Nous ratons et tuons quelques canards, mais surtout nous nous régalons.
Nous en prenons plein les yeux et plein la mare. Le ciel est noir de vols de canards de toutes sortes. A cet instant, les oies sont de retour chez nos voisins d’en face. Les paquets moyens ou gros s’y sont affalés sans trainer, mais étonnamment, là trois mémères leur font des misères. Des malines ? Des rescapées des autres poses ? Toujours est-il que là nous touchons au sublime. Nous sommes le menton posé aux créneaux et regardons les trois cendrées jouées avec les appelants et les nerfs de nos collègues… Combien de fois reviennent-elles à la pose ? Huit fois ? Dix fois ? Plus ? Toujours est-il que les oies de nos voisins sont déchainées et ne lâchent pas les trois coquines. Plusieurs fois, nous les voyons disparaitre derrière les roseaux, nous pensons que c’est posé, mais quelques secondes plus tard nous les voyons remonter au vent et refaire un tour. Peut-être à dix reprises elles passent juste au-dessus de notre mare, ce qui fait pencher la tête à quelques-uns de nos siffleurs curieux. Elles sont toutes proches, à peine 10 mètres de haut…
Quel régal ! Malintentionnés nous pourrions les tirer depuis les guichets, mais ce n’est pas le genre de la maison. Pour profiter de ce spectacle grandeur nature, nous laissons poser une sarcelle, puis trois sarcelles, puis deux siffleurs sans les tirer.
Et je vais vous dire la vérité, je ne sais même plus ce qui est arrivé à ces trois cendrées. Je crois qu’elles ont fini par poser, mais je n’en suis même pas sûr… L’essentiel était ailleurs. Être là dans ce moment unique, acteur et spectateur d’un des instincts les plus forts, les plus beaux et les plus imprévisibles du monde animal : la migration. Je ressens encore ce sentiment de plénitude, bercé par la douce sensation de vivre, vivre à fond, entouré d’amis ce moment béni des dieux. Vers 3h du matin, les sarcelles devenaient majoritaires. Le pma était là. Les oiseaux nerveux refusaient maintenant la pose. C’était si beau à voir. En allégeant le chant et en enlevant les hybrides nous aurions continué à poser des oiseaux, mais c’était suffisant… La Baie continuait de rouler. Quelle nuit ! Meilleure que le mardi ? Pas moins bonne en tout cas ! Et le sujet alimentera les conversations des saisons à venir des nuits durant les yeux rivés sur une flaque de gabion.
Le matin du 31 octobre, le ciel était encore égayé des milliers de vols de grives. Des canards tournaient sur la Seine. Certains étaient frais et cela se voyait ! Haie d’honneur et applaudissements aux voisins pour les remercier du spectacle sur les oies. Chaleureuses accolades entre nous. Personne ne pourra nous enlever ce que nous avons vu et vécu.
Le matin du 31 octobre, le ciel était encore égayé des milliers de vols de grives. Des canards tournaient sur la Seine. Certains étaient frais et cela se voyait ! Haie d’honneur et applaudissements aux voisins pour les remercier du spectacle sur les oies. Chaleureuses accolades entre nous. Personne ne pourra nous enlever ce que nous avons vu et vécu.
En route vers Paris pour un nouveau déjeuner professionnel, rompu mais heureux, un petit jeune, que j’aime bien m’appelle et me demande si je monte sur mon gabion ce soir. J’hésite encore… je lui dis que je lui réponds avant 14h. Je sais qu’il attendra, l’installation est bonne ! Malgré les trois cafés dans le gabion avant de démarrer, je dois m’arrêter deux fois entre la Baie et Paris pour recharger en caféine. Je suis cassé comme rarement. Rien d’étonnant ! J’ai fait 1 500 kilomètres et dormi six heures en quatre jours et trois nuits. Vers 13h, je jette l’éponge, mon corps ne suit plus. Mes collègues sont dans le même état et puis il faut aussi que les petits nouveaux aient de temps en temps des bons vents, du bon temps et pas que des tempêtes d’ouest en décembre pour monter.
En cette nuit du 31 au 1er novembre la Baie fut encore généreuse pour les valeureux. Pas autant que le mardi et le mercredi, mais au moins autant que le lundi. Cela clôtura quatre jours d’une migration dantesque que les huttiers ne sont pas près d’oublier et dont les générations futures entendront parler. Mes petits jeunes sont passés à travers et pas qu’un peu… J’étais tellement déçu pour eux ! Mais cela démontre qu’à la chasse de nuit, rien n’est acquis d’avance et que cette chasse peut-être aussi belle qu’ingrate.
Le Salon de la Chasse et de la Faune Sauvage 2023
Le Salon de la Chasse et de la Faune Sauvage de Rambouillet, qui aura lieu sur l’île Aumône, située en plein milieu de la Seine à Mantes la Jolie est connu comme le salon de chasse couvert le plus grand. Des exposants venus du monde entier se rassemblent pour présenter et démontrer les dernières nouvelles de l’industrie de la chasse en plein air couvrant autant des fusils de chasse que les vêtements à un public qualifié et intéressé. L’événement est une plate-forme de communication et information pour tous les chasseurs et les amateurs offrant d’excellentes occasions pour établir des nouveaux contacts.