Un jour dans notre vie, que nous soyons puissants ou misérables, la grâce se penche sur nous et nous touche. Le temps d’une petite semaine, je l’ai vécu entre amis… Merci Seigneur !
Texte et photos : Jean-Marc Fédérer (sauf mentions contraires)
La Toussaint
J’ai même souvenir de mon pauvre neveu Dimitri qui vivant loin de nos pays de réjouissances gabionnesques, avait fait le voyage quand il était collégien, lycéen et étudiant, depuis la Drôme pour, en 6 nuits autour de la Toussaint, voir une sarcelle se mouiller les palmes lors d’une passée du matin… Bref pour mes collègues de gabion et moi, la Toussaint c’était plutôt un truc dont nous parlaient les anciens, façon Guerre de 39-45 ; et aussi le baroud d’honneur des derniers moustiques avant que l’automne prenne définitivement possession de nos marais.
Puis, il y a cette rumeur à l’Est… vers le 18-20 octobre. Windmig nous fait-il un coup de « pornmig » ou nous dit-il vrai ? Je lance mes sites de référence… une petite douzaine. La météo polonaise, la météo belge, anglaise, météocut, météo60, la météo maritime du port du Havre, windguru et bien sûr un coup de Canard1 car c’est le seul de tous qui se base sur des comptages et des observations et puis parce que c’est culturel. Le verdict tombe ! La moitié dit gauche et les autres disent droite. Le lendemain, tout est barré à l’ouest… Et même au sud-ouest. 15°C, du sud-ouest à la Toussaint, c’est le moment d’inviter madame au restaurant et au cinéma pour remettre des points sur le permis de chasser.
Ouvrir et découvrir…
Du 21 au 24 octobre les météos se contredisent tour à tour. Un coup à gauche, un coup à droite, un coup dans le zig, un coup dans le zag… les modèles tergiversent. Par superstition nous n’en parlons pas trop. Tout le monde sait – ou tout du moins fantasme – ce qu’il se passera si l’Est l’emporte. Mais un peu comme un secret de famille, dont même le chien est au courant, personne n’en parle… au cas où !
Enfin arrivent les 25 et 26 octobre. Le temps est toujours à l’envers, mais le coup d’est-sud-est se confirme et devrait commencer dans la nuit de dimanche à lundi…
A moins de trois jours, les choses commencent à devenir sérieuses comme le dit notre ami Jean-Louis Soufflet. Nous sommes encore dans la montée de l’escalier pour reprendre les termes de notre ancien rédacteur en chef, Thierry Delefosse, mais l’incertitude demeure. En revanche, si cela tient, c’est le feu d’artifices avec une dégringolade des températures de plus de 10°C. Le samedi 26 octobre il fait 13-14°C, lundi 28, il fera 7-8°C et dans la nuit de mercredi, le baromètre devrait afficher 2°C.
Le vent lui montera de l’est au sud-est en forçant à 50 km/h les nuits de mardi et mercredi. Rien que d’y repenser, je braverais le confinement et sortirai les canes des nichoirs… Mais si les planètes s’alignent, quand on commence à avoir une légère expérience du gabion, on sait que rien n’est joué d’avance…
Les gars et moi n’osons trop en parler. Nous échangeons étrangement moins de que coutume, superstition quand tu nous tiens, même si nous commençons à partir du samedi après-midi à prévoir « au cas où » … Dimanche 27 à midi, là les choses sérieuses s’annoncent. La fébrilité s’empare de nous. Le casting est fait. Nous serons quatre dans un gabion de quatre mais avec de sacrés clients ! Nous tangenterons les quatre quintaux. Il y aura mes deux loustics habituels et un petit jeune de 130 kilos que les mauvaises langues annoncent hors taxe.
Nous serons en Baie de Seine, lieu de toutes mes joies et de toutes mes désillusions et où je suis toléré par des passionnés attachants.
Lundi 16 heures, nous sommes au marais et tirons les bateaux et caisses à appelants. David, qui a mis un quart de seconde à voir mes grosses, tord le nez. Il n’aime pas les oies ni à l’attache, ni à chasser. Une moisson n’a pour lui pas plus de valeur qu’une sarcelle. Sur le fond je peux le comprendre, mais quand même un paquet d’oies toutes chantantes qui tourne et tourne avant de poser à grand bruit et en surfant les pattes toutes devant, cela a de la gueule. Les visages sont tout sourire. La passée du matin a été très bonne de la frontière belge au calaisis. Quelques éclaireurs ont même été jusqu’en Baie d’Authie et en Baie de Somme… Tout cela sent très bon ! La pique est dans nos têtes. Une fois les paquets de blettes réorganisés tout roule. Comme souvent, j’ai du mal à ne pas ouvrir les visées tous les quarts d’heure. Je me fais rabrouer… mais j’aime tellement ça ouvrir et découvrir. Les oiseaux sont en forme. Un coup de bec étrange mais plus marqué que les autres me fait interrompre une fois de plus l’apéro. David me chambre. Le petit Turc ne dit plus rien depuis longtemps. Il sait qu’il n’y a rien à faire, c’est un tic ou un toc, comme vous le voulez… Mais, ventre Saint-Gris, il y a quand même 3 milouins qui nagent à une quarantaine de mètres. Un petit triplé et plus une aile ne bouge. Pour les plongeurs blindés, c’est plutôt pas mal. Trois mâles milouin, nous font un sauvetage de bredouille amélioré. Nous enchainons sur un civet de lièvre gras des Flandres.
Puis les choses sont assez calmes. Il faut attendre minuit pour que la migration réveille les gabions, mais cela n’est pas pour nous. Cela tire bien en milieu de Baie, mais dans notre secteur c’est le grand calme.
La gloire du petit Paul…
Déjà réveillé mais toujours allongé, je demande : « Beaucoup ? »
La réponse mythique tombe : « Partout ! »
Je me lève d’un coup, mais mon camarade m’invite à la plus grand prudence…
« Ils sont tout près… !!!! »
Et ce bougre a raison, entre les blettes-piège à 22 mètres et le pied de bute 8 souchets sont là… Evidemment, ils ne sont à coup que 3 secondes. Nous réveillons les copains en douceur… par peur de faire repartir ce petit monde qui navigue tranquillement. Aucun tir voisin ne vient troubler la pose. Nous sommes aux guichets, près ! Les oiseaux s’éparpillent, il y en dans les lignes, dans les blettes. Le temps tourne. Or en Baie cela n’est pas bon… Chacun a un oiseau. Nous lançons le décompte et arrêtons là la migration de Toussaint de ces gros becs magnifiques. La nuit commence à être plus que sympathique. Nous nous tombons dans les bras et nous réjouissons. Nous sommes vernis. Le coin est toujours très calme et les secteurs qui tiraient se sont calmés. Il est 5h55. J’aurai à peine dormi deux heures, mais je ne tiens plus. Deux cafés et me voilà à accompagner Paul dans sa veille. 6h25, les canes forcent et surtout une jeune née par hasard – comme les chiens de chasse croisé porte et fenêtre, ce sont souvent les meilleurs oiseaux – grâce à une colvert cachée dans notre grand parc. Les sauvages serrent mais d’un coup et sans allonger comme pour seulement souligner l’arrivée imminente des migrateurs qui se jettent dans le piège. Je comprends que la pose arrive dans la seconde.
Un coup à droite rien. A gauche, ils sont là autour des deux pièges. Il y a des grands cous. Je distingue aussi des souchets. Cran d’arrêt, un, deux… Six restent sur l’eau. Paul exulte ! Sa plus belle nuit de hutte jusqu’au ce jour était de cinq bêtes. Nous sommes aux anges et ramassons trois pilets, deux souchets et un siffleur. Une sublime pose mélangée qui souvent annonce les gros coups de migration ! Cette fois-ci, tout le monde est debout et pour de bon. Nouvelle tournée de café.
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Combien il y a-t-il eu de poses cette nuit en Baie de Seine ?
La colvert crème force. Le jeu reprend. Quatre sarcelles se jettent. Une repartira. Plus besoin d’en jeter. Nous sommes comblés !
Mardi, la migration s’emballe et nous sentons le grand truc… Le vent force et tourne au sud-est. Le temps se bouche… Mais des histoires de marais comme il y en a partout et une incapacité à faire un sale coup à un ami en lui retirant la nuit sur mon gabion que je lui avais promis il y a longtemps font que nous chassons éparpillés. A part notre breton, normand d’adoption, nous y sommes. David dans le secteur de la cimenterie, moi sur le banc. Dès 21h, la Baie roule. De partout, j’entends les canes forcer, le vent rafaler, les gabions tirer. Il y aura des pma et pas qu’un. En début de nuit, David tombe dans les oies sans en avoir à l’attache… Cela me fait sourire… Aux innocents, les mains pleines… Nous ne nous étions pas trompés, la nuit est énorme. Une vraie grosse nuit d’arrivage. Les oiseaux de mon pote tournent à fond. Sarcelles, pilets, souchets, chipeaux se succèdent à la pose avec des fortunes diverses. Nous sommes régulièrement desservis, mais c’est le jeu pour tout le monde. Nous prenons de beaux paquets, mais loin.
Le jour arrive et la migration nous submerge. Des voliers immenses de grives barrent le ciel. C’est un flot continue. Je téléphone à David, mais il ne répond pas… Mon insatiable méridional a tant attendu ses oiseaux préférés pendant tout le mois d’octobre, qu’il est à coup sûr en dessous d’une veine… Des paquets de pilets passent à des hauteurs folles. Des sarcelles se jettent dans tous les sens. Les palombes déboulent en paquets énormes et les amis paloumayres vont bientôt se régaler… Quel spectacle ! Je suis dans la migration, la vraie, la folle, l’intense. Mon rêve de toujours s’exauce… Combien il y a-t-il eu de poses cette nuit en Baie de Seine ? Mille cinq cents ? Deux mille ? Les pma sont nombreux, mon Dieu, Saint-Hubert, MERCI !!!
Je passe un coup de fil au Petit Turc pour lui raconter tout cela avant de redevenir un homo sapiens businessis. Ni une, ni deux, il me dit : « la grande c’est ce soir ! La météo s’est améliorée. Le vent est plus fort, cela prend toute la Baltique et en plus il va pleuvoir… ». Si ce n’étaient ma conscience professionnelle et un respect absolu du client, je faisais demi-tour à la prochaine sortie d’autoroute. Douché et propre, me voilà dans un restaurant parisien à tenter de vendre ma soupe à un gugus qui a plus l’air concerné par ce qui se passe dans son assiette que par mon beau discours.
La partie est mal engagée, mais le bougre fait trainer… l’horloge tourne et je ne rêve que d’une chose, sauter dans ma voiture, filer vers la Baie et me transformer à nouveau homo sapiens gabionis. Un deuxième double expresso, l’addition et je fuis vers la vie.
Place au grandiose concert de la migration
Des « onks onks » nous parviennent… Je prends les jumelles et un gros paquet de cendrées arrivent plein axe chez nos voisins. Nous les voyons arriver dans le home cinéma XXL de la Baie, c’est tout simplement extraordinaire. Nos voisins ont décidé de chasser les oies et ont bien fait !
Nous nous sommes concentrés sur les canards par choix et par nécessité : les oies nous ne savons pas bien faire… Ailes cassées, pattes sorties, elles glissent chez nos voisins. Trois pilets posent chez nous, mais nous ne tirons pas. Nous n’allons pas desservir vingt-cinq cendrées aux collègues. Une bordée du tonnerre fait décoller les pilets et bien sûr les oies qui ont été partiellement éclaircies… Là, le vrai « grand grand » truc est lancé. Une nuit d’arrivage comparable à celles de début décembre 2010, peut-être plus folle encore car il y a de tout. Les pilets sont les grands animateurs de ce début de nuit. Nous voyons passer des paquets de dix, vingt, trente, cinquante… Trop haut pour nous et qui seront pour le milieu et le fond de Baie. Mais ne nous plaignons pas, une paire vient nous voir de près. Le jar de cendrée des voisins leur en dessert pas mal. Les oies l’aiment, mais pas les pilets. Un autre paquet d’oies est aimanté par le jar en feu. Nous sommes au premier rang et nous nous régalons. Elles posent et resteront. Mon Dieu, quelle nuit ils sont en train de faire… !!!
Un coup à droite rien. A gauche, ils sont là autour des deux pièges. Il y a des grands cous. Je distingue aussi des souchets. Cran d’arrêt, un, deux… Six restent sur l’eau.
Un énorme ballon de sarcelles
Nous en prenons plein les yeux et plein la mare. Le ciel est noir de vols de canards de toutes sortes. A cet instant, les oies sont de retour chez nos voisins d’en face. Les paquets moyens ou gros s’y sont affalés sans trainer, mais étonnamment, là trois mémères leur font des misères. Des malines ? Des rescapées des autres poses ? Toujours est-il que là nous touchons au sublime. Nous sommes le menton posé aux créneaux et regardons les trois cendrées jouées avec les appelants et les nerfs de nos collègues… Combien de fois reviennent-elles à la pose ? Huit fois ? Dix fois ? Plus ? Toujours est-il que les oies de nos voisins sont déchainées et ne lâchent pas les trois coquines. Plusieurs fois, nous les voyons disparaitre derrière les roseaux, nous pensons que c’est posé, mais quelques secondes plus tard nous les voyons remonter au vent et refaire un tour. Peut-être à dix reprises elles passent juste au-dessus de notre mare, ce qui fait pencher la tête à quelques-uns de nos siffleurs curieux. Elles sont toutes proches, à peine 10 mètres de haut…
Quel régal ! Malintentionnés nous pourrions les tirer depuis les guichets, mais ce n’est pas le genre de la maison. Pour profiter de ce spectacle grandeur nature, nous laissons poser une sarcelle, puis trois sarcelles, puis deux siffleurs sans les tirer.
Le matin du 31 octobre, le ciel était encore égayé des milliers de vols de grives. Des canards tournaient sur la Seine. Certains étaient frais et cela se voyait ! Haie d’honneur et applaudissements aux voisins pour les remercier du spectacle sur les oies. Chaleureuses accolades entre nous. Personne ne pourra nous enlever ce que nous avons vu et vécu.
Le matin du 31 octobre, le ciel était encore égayé des milliers de vols de grives. Des canards tournaient sur la Seine. Certains étaient frais et cela se voyait ! Haie d’honneur et applaudissements aux voisins pour les remercier du spectacle sur les oies. Chaleureuses accolades entre nous. Personne ne pourra nous enlever ce que nous avons vu et vécu.
En route vers Paris pour un nouveau déjeuner professionnel, rompu mais heureux, un petit jeune, que j’aime bien m’appelle et me demande si je monte sur mon gabion ce soir. J’hésite encore… je lui dis que je lui réponds avant 14h. Je sais qu’il attendra, l’installation est bonne ! Malgré les trois cafés dans le gabion avant de démarrer, je dois m’arrêter deux fois entre la Baie et Paris pour recharger en caféine. Je suis cassé comme rarement. Rien d’étonnant ! J’ai fait 1 500 kilomètres et dormi six heures en quatre jours et trois nuits. Vers 13h, je jette l’éponge, mon corps ne suit plus. Mes collègues sont dans le même état et puis il faut aussi que les petits nouveaux aient de temps en temps des bons vents, du bon temps et pas que des tempêtes d’ouest en décembre pour monter.
En cette nuit du 31 au 1er novembre la Baie fut encore généreuse pour les valeureux. Pas autant que le mardi et le mercredi, mais au moins autant que le lundi. Cela clôtura quatre jours d’une migration dantesque que les huttiers ne sont pas près d’oublier et dont les générations futures entendront parler. Mes petits jeunes sont passés à travers et pas qu’un peu… J’étais tellement déçu pour eux ! Mais cela démontre qu’à la chasse de nuit, rien n’est acquis d’avance et que cette chasse peut-être aussi belle qu’ingrate.
Le Salon de la Chasse et de la Faune Sauvage 2023
Le Salon de la Chasse et de la Faune Sauvage de Rambouillet, qui aura lieu sur l’île Aumône, située en plein milieu de la Seine à Mantes la Jolie est connu comme le salon de chasse couvert le plus grand. Des exposants venus du monde entier se rassemblent pour présenter et démontrer les dernières nouvelles de l’industrie de la chasse en plein air couvrant autant des fusils de chasse que les vêtements à un public qualifié et intéressé. L’événement est une plate-forme de communication et information pour tous les chasseurs et les amateurs offrant d’excellentes occasions pour établir des nouveaux contacts.