Fondation Brigitte Bardot : un sondage partial

Anti-chasse
date 01 avril 2025
author Léa Massey

Un chiffre peut mentir aussi bien qu’un slogan. Décryptage d’un sondage anti-chasse où les questions fabriquent les réponses.

Le biais de cadrage : quand les sondages racontent une histoire

Le dernier sondage de l’IFOP réalisé pour la Fondation Brigitte Bardot, paru en mars 2025, a fait les gros titres : 82% des Français seraient favorables à un dimanche non chassé, 76% pour la réduction de la période de chasse, 72% pour l’abolition de la chasse à courre… Des chiffres impressionnants. Et pourtant, derrière ces statistiques se cache une réalité tordue dans tous les sens. La Fondation Brigitte Bardot, avec la complicité intéressée de l’IFOP, use allègrement de ce qu’on appelle le biais de cadrage.

Ce biais ne consiste pas à trafiquer les réponses, mais à orienter les répondants dès la formulation des questions. Démonstration de ce mécanisme rhétorique.

Le pouvoir des mots : le cas du dimanche « non chassé »

• 2009 :

« Seriez-vous favorable ou pas favorable à l’interdiction de la chasse le dimanche ? » Résultat : 54% favorables.

• 2025 :

« Le dimanche, la nature est très fréquentée par des familles en promenade, des randonneurs, des joggeurs, des cyclistes, des cavaliers… » « Seriez-vous favorable ou pas favorable à ce que le dimanche devienne un jour non chassé ? » Résultat : 82% favorables.

Cette évolution s’accompagne d’un changement de vocabulaire fondamental : on passe d’une logique d’interdiction à celle d’une « journée de paix ». Ce glissement sémantique est capital : il donne au répondant le sentiment d’être pour quelque chose de positif, plutôt que contre une liberté. La question version 2025 met en opposition les familles pacifiques contre les chasseurs perturbateurs de paix (cavaliers, randonneurs, familles…)

Cadrages émotionnels : des questions qui militent

Certaines formulations dépassent le simple biais sémantique pour plonger dans une véritable mise en scène militante.

A. Chasse aux « nuisibles »

« Ces animaux peuvent être chassés, tirés, piégés, déterrés, assommés, enfumés toute l’année… »

  • Aucun rappel des raisons de cette réglementation (dégâts agricoles, équilibres écologiques).
  • Les verbes choisis déclenchent un rejet viscéral.
  • Pourtant, l’évolution est parlante : le soutien à cette mesure remonte de 31% (2021) à 38% (2025). Autrement dit, malgré le vocabulaire extrêmement négatif, une part croissante de Français adhère.

Vénerie sous terre

« …extraits vivants à l’aide de pinces métalliques, tués à la pelle. »

  • Aucun mot sur le fait que cette pratique est strictement encadrée, saisonnière, et qu’elle répond à des enjeux concrets.
  • Le langage suggère la barbarie, pas la gestion faunique.
  • Pourtant, 30% des Français y sont favorables, un chiffre remarquable étant donné la façon dont la question est présentée.

Chasse à courre

« …jusqu’à son épuisement puis sa mise à mort. »

  • Ici encore, pas de mention des codes de la vénerie, de son encadrement, ni de son ancrage culturel.
  • Mais cette année, le soutien à l’abolition recule de 86% (2021) à 72% (2025).
  • En d’autres termes, le rejet recule malgré la rhétorique dramatique.

Quand la mise en scène remplace l’information

Ce sondage ne présente pas les pratiques cynégétiques comme des faits à évaluer, mais comme des anomalies morales à corriger. Les mots utilisés dessinent un monde à deux vitesses :

  • « les promeneurs, les joggeurs, les cavaliers » contre « les chasseurs ».
  • Des animaux décrits comme passifs, doux, menacés.
  • Des humains décrits comme violents, archaïques, armés.

Aucune question ne présente la chasse comme outil de gestion, de transmission, ou de réappropriation du territoire. Cela revient à interroger un patient sur la chirurgie en parlant uniquement de scalpels rouillés.

Une opinion plus nuancée que prévu

Malgré ces efforts de cadrage, certains résultats vont à contre-courant :

  • Le sentiment de sécurité en nature remonte : 29% en 2021, 38% en 2025.
  • Le soutien à l’abolition de la chasse à courre recule, surtout chez les jeunes adultes (18-24 ans).
  • Le rejet de la chasse aux espèces nuisibles baisse de 69% à 62%.

Ces tendances suggèrent que malgré les efforts de cadrage, une partie de la population conserve un rapport réaliste à la chasse.

La presse paresseuse

Trop occupée à compter les clics, la presse généraliste s’est contentée de relayer les chiffres sans jamais interroger la mécanique du sondage. Aucun recul, aucune analyse de méthode, aucun regard critique sur la formulation des questions : l’IFOP/Bardot a dicté le récit, et les médias l’ont répété en chœur. Le médiocre gagne encore du terrain.

Des sondages au service d’une narration

Là où l’on attend une mesure de l’opinion, on trouve une rhétorique implicite. Une opinion n’est pas un chiffre, c’est une construction. Et le sondage IFOP/Bardot 2025 en est un parfait exemple : les mots choisis pour poser les questions font partie de la réponse.

Ce n’est pas une photographie de la pensée française. C’est un photomontage. Et quand la mise en scène remplace l’analyse, ce sont les citoyens eux-mêmes qu’on prive de discernement.

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7 Commentaires :
  1. Alain28
    01/04/25

    Déjà à la base, toute question dans un sondage sérieux DOIT comporter une possibilité de répondre « sans opinion ».
    Sans cette option, le sondage doit être considéré comme biaisé.

  2. Bruckner daniel
    01/04/25

    Il me semble que des sondages de ce genre ont déjà fleuri. Je me rappelle aussi cette géniale affiche dans le métro parisien. A mon humble avis le monde de la chasse doit utiliser la méthode boomerang.

  3. SUVmanForEver
    02/04/25

    Sondage à Vannes (Morbihan): Que pensez-vous du réchauffement climatique ?
    67% des réponsants : Une belle opportunité pour ouvrir un vignoble en Bretagne.

    1. Herbien
      02/04/25

      Il suffirait de faire un référendum ou d’organiser une vraie consultation citoyenne pour être fixés .
      Je n’ai aucun doute sur les résultats.

  4. BitumeLover
    02/04/25

    Sondage IFOP de la ville de Nantes: « Que pensez-vous du tri sélectif ? » 44% : Une épreuve de logique plus dure que le bac.

  5. JeanDiesel
    02/04/25

    Quel est votre effort écologique du jour ?
    69%: Je privilégie les circuits courts en commandant des avocats bio du Mexique

  6. Chtivarois
    02/04/25

    J’aimerais que l’on applique strictement les slogans escrologiques: »tu pollués, tu payes », On pourrais adapter: »Tu protégés, tu payes ». ASPAS, LPO, etc, etc doivent de l’argent au Français. Exemple, Yann Arthus Bertrand possède 30 hectares de forêt qui lui permet de pratiquer l’hébergement -vision-restauration, c’est certain hors de question de chasser sur l’enclave. 30 hectares, sans aucun doute, les grands animaux qui s’y réfugient échappent à la chasse. Alors tu protège, tu payes. Car la nuit venue, les bestiaux iront casser la croûte sur les contrées environnantes pour rentrer dans la réserve à l’aube. D’ailleurs, je ne donne pas cher de la flore de l’enclave au bout de quelques années. L’écolo héliporté aura participé à la destruction de 30 hectares de flore et participé aux dégâts sylvicoles et agricoles du secteur.

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