En 2:30 chrono, Hugo Clément nous fait du Hugo Clément, à savoir un condensé d’approximation et d’appels à l’émotion pour défendre la proposition de loi pour l’interdiction de l’importation de trophées de chasse.
Vous pouvez penser CE QUE VOUS VOULEZ de la « chasse aux trophées ». Mais comme d’habitude, ce n’est pas une raison pour la travestir. Décryptage rapide :
1 – Hugo commence par nous décrire ce qu’est la « chasse aux trophées » : un riche prend son billet pour l’Afrique, charge son arme et se fait transporter en voiture au pied d’un animal qu’il tue pour le plaisir d’en ramener la tête ou la peau à exposer dans son salon. C’est évidemment infiniment réducteur, et surtout cela relève du procès d’intention : Hugo SAIT quelles sont les intentions du vilain riche : rien d’autre que satisfaire son désir de mort, sa vanité, et ses goûts décoratifs. Est-ce que cela existe ? Certainement, je ne suis pas dans la tête de tous les chasseurs voyageurs du monde. Mais je sais qu’il y a bien d’autres raisons de faire un tel voyage. Des raisons très éloignées de ce que décrit Clément comme un tour en 4×4 pour arriver au pied d’un éléphant. Cela est bien souvent une longue traque de plusieurs jours, à pied, dans d’immenses territoires sauvages (pas seulement en Afrique d’ailleurs). Et la déco n’est certainement pas l’objectif du chasseur. Qu’ils chasse un sanglier ou un grand koudou. Mais comptez sur Hugo pour chercher à enrichir son récit en insérant des éléments fantasmés sur l’âme sombre du chasseur de trophées.
2 – Hugo nous dit qu’en France, on importe tout plein de trophées d’animaux pourtant protégés par la CITES. Mais comme il le précise, la CITES, c’est la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction. Elle réglemente (ce qui ne signifie pas nécessairement « interdit ») le commerce, et non la chasse des animaux dont elle établit la liste.
Il est toujours bon, d’ailleurs, de se rappeler ce que la CITES a pu dire de la chasse aux trophées, et de se poser la question du caractère néo-colonial de l’occidental qui veut tordre le bras des pays africains en interdisant l’importation de trophées de chasse (parce que nous, européens, savons mieux qu’eux comment ils doivent traiter leur faune).
3 – « Ces animaux sont pourtant inscrit sur la Liste Rouge des espèces menacées ».
Celle là, c’est un classique pour Hugo Clément. Rappelons donc encore que La Liste Rouge des espèces menacées est l’inventaire le plus complet de l’état de conservation de nombreuses espèces. Figurer sur cette liste ne signifie pas en soi que l’espèce est menacée – le sanglier y figure, par exemple. En 2023, sur les 157 190 espèces étudiées inscrites sur la liste, 44 016 sont classées menacées. Cela ne veut pas dire que les espèces dont il est question ici sont en bon état de conservation, mais pour le dire, il faut aller consulter dans la liste son statut, mondial et local
4 – « Alors certes, la chasse aux trophées n’est pas la principale cause de leur disparition »
Moment de franchise qu’il convient de souligner. En effet, globalement, pour ces espèces comme pour d’autres, la première cause de disparition, c’est la perte d’habitat. A ce titre, il n’est jamais inutile de préciser le rôle que la chasse commerciale peut jouer : dans le même esprit que les propos CITES du point 2) : l’existence de la chasse aux trophées est une incitation non négligeable, par l’intérêt financier, a conserver d’immenses territoires dans leur état actuel, face à la pression de les transformer en zones cultivées ou artificialisées.
5 – « En choisissant de tuer les animaux les plus imposants, les chasseurs européens créée une sélection non naturelle, qui a des effets négatifs… »
Ce ne sont PAS les chasseurs européens qui établissent le « plan de chasse » des pays concernés, mais les autorités et les communautés locales. De la même façon qu’en France, un plan de chasse raisonné désignera par exemple un certain nombre de grands cerfs (nos « trophées » de chez nous, en fait), de plus jeunes, de femelles, etc.). Certains tireront des animaux imposants, d’autres des plus petits, des femelles, des malades etc.
6 – « Sans compter la souffrance des animaux ciblés, qui mettent parfois plusieurs jours à mourir de leurs blessures, car certains tireurs évitent la tête pour ne pas abimer leur futurs trophées ».
Ce ne sont pas des considérations cosmétiques qui déterminent en premier lieu ou le chasseur doit placer sa balle, mais les circonstances et la balistique lésionnelle, à laquelle Hugo ne connait RIEN. Qu’on parle de sanglier ou d’éléphant, le placement optimal de la balle, c’est rarement la tête. Parce que le choix du placement de balle a précisément pour objectif de maximiser les chances d’obtenir une mort la plus nette et rapide possible.
7 – « les chasseurs assurent que les grosses sommes versées pour avoir le droit de tuer ces majestueuses créatures permettent de faire vivre les communautés locales. »
On relèvera le subtil appel à l’émotion, du moins à l’irrationnel, suggéré par le « majestueuses » : je sais qu’Hugo n’est pas antispéciste, et donc que son premier critère n’est pas la sentience, et moi non plus, mais j’ai toujours trouvé un chouïa hypocrite le critère de la beauté, de l’allure d’un animal. Un animal joli mériterait plus la vie qu’un animal moche ? Vous en pensez quoi, vous ?
8 – « Mais en réalité, ce commerce de la mort rapporte beaucoup moins d’argent que le tourisme d’observation de la faune sauvage, qui a, lui, besoin d’animaux vivants et en bonne santé ».
Alors ça, c’est à nuancer fort :
- D’abord parce que ce n’est pas l’avis de la conférence de la CITES comme vu au point 2. L’UICN, qui édite la fameuse Liste Rouge, à longtemps eu un point de vue similaire sur la question, avant de se raviser, notamment en invoquant des raisons « éthiques ».
- Ensuite parce que le tourisme cynégétique et le tourisme d’observation, ça n’est pas toujours interchangeable. Comprenez : pour passer 2 jours dans un 4×4 dans le Masai Mara, un touriste européen doit faire 9h d’avion pour Nairobi, puis 45 minutes d’un petit avion et le voilà arrivé. Et au bout de ces deux jours, retour dans le petit avion pour aller se la couler douce sur les plages de Mombasa. En revanche, si vous voulez lui donner la place d’un chasseur dans certains coins de l’Okavango au Botswana, il lui faudra faire 11h de vol vers Johannesburg, puis 1h de vol pour Gaborone, puis 1h de vol pour Maun, puis 5 heures de piste parfois pénible pour arriver au camp. Pas certains de trouver autant de candidats.
- Aussi parce qu’à revenus générés équivalents, il faut BEAUCOUP de touristes d’observation pour compenser un seul touriste cynégétique, et ça, ce n’est pas sans conséquence sur les milieux fréquentés (piétinements de la flore, dérangement de la faune, etc.)
- Enfin, Hugo précise que pour ce tourisme d’observation, il faut des animaux à voir, comme si la chasse l’en empêchait. Sauf que c’est encore une fois la même chose : pourvu que les plans de chasse soient bien ficelés, on peut très bien prélever en nombre ET avoir des populations robustes – il n’y a qu’a voir l’état des populations d’ongulés sauvages gibier en France.
Voilà.
Merci Hugo.
Beaucoup de bêtises et d’approximations en 2’30 chrono.
Pour la Cause évidemment.
A voir sur le même sujet :
Très bon papier ! Merci.
Tout est dit ! Bravo et merci !
Hugo Clément ment Hugo Clément ment Hugo Clément est végan!!!
… et comme je le précise dans mon livre « Repenser la chasse », on rappellera au passage que même l’UICN et le WWF se sont déjà prononcés en faveur de la chasse au trophée en tant qu’outil de conservation de la nature quand « cette chasse est bien organisée et bien encadrée »…
C’est dire ! Même ces respectables associations pour la défense et la conservation de la nature le disent !!
Sources :
– IUCN « informing decisions on trophy hunting » Briefing paper, April 2016
– WWF « Policy and considerations on Trophy hunting » July 2016
Etre contre, pourquoi pas mais honnetement…