En Baie d’Authie sévit un jeune chasseur qui a tout d’un grand… En effet, Victor Gobert, un « siffleux » surdoué, dompte les oiseaux avec sa bouche et ses doigts. Allons le rejoindre sur le sable, au son des myriades d’oiseaux qui peuplent cette baie.
Texte et photos : Benjamin Basset
Il est des gens que, lorsque vous les croisez, vous remarquez immédiatement qu’ils sont différents des autres. Chez l’homme chasseur, cette différence se caractérise souvent par l’étincelle illuminant les yeux quand il parle de la chose. J’ai connu Victor Gobert (21 ans), alors qu’il n’était encore qu’un enfant. Déjà à cette époque, sa manière d’appréhender la chasse et ce don de « siffleux » qu’il a en lui m’avait bluffé. Depuis, Victor est un homme, que dis-je un homme, un homme de chasse… Pieds dans la vase, doigts à la bouche et yeux dans le ciel, je vous emmène en Baie d’Authie, au royaume de cet enfant des marais.
Les oiseaux migrateurs obstinent Victor Gobert. Si les limicoles lui procurent de grands frissons, il ne boude en rien les pigeons et, bon sang ne saurait mentir, il est également de fou de palmipèdes, du plus petit au plus grand.
J’habite à Conchil-le-Temple, un petit village entre la Baie d’Authie et le Marais de Merlimont, explique le siffleux. Début août, j’attaque la saison aux limicoles en Baie d’Authie sur les sables dans des trous creusés à la pelle, ou dans des huttes. Dès le 21 du même mois, je chasse au Marais de Merlimont dans la hutte de famille tenue par mon grand-père, et sur une autre hutte familiale en baie.
Famille… Ce mot revient souvent dans la bouche de notre jeune ami. Il faut dire que depuis plusieurs générations, les Gobert sont chasseurs…
La gloire de mon père… Version vase et becs pointus…
« Je dois beaucoup à mon père, ajoute Victor. C’est lui qui m’a tout appris et qui m’amenait dans les huttes, dans les postes à pigeons ou dans le Marais. J’ai découvert la chasse aux limicoles en février 2012, à l’âge de 14 ans, accompagné de mon père et de l’un de ses amis. Il faisait froid, la baie était blanche comme on ne le voit plus aujourd’hui. La baie était remplie de canards et de courlis. La chasse aux canards était fermée, mais celle aux courlis était possible jusqu’au 10 février. Mon premier souvenir de cette journée est l’envol soudain d’une centaine de canards… Siffleurs, chipeaux, sarcelles, il y avait de tout dans cette nuée. Nous nous sommes installés un peu plus loin, cachés dans une clique. Les premiers courlis descendent sur nous, mon père siffle avec ses doigts… Il les appelle et les oiseaux, charmés, lui répondent puis se posent non loin de nous… Ils en tueront une quinzaine ce jour-là. »
Ces courlis n’auraient jamais dû s’offrir aux yeux émerveillés de ce gamin… Charmé, envoûté par le spectacle, Victor a voulu apprendre cette chasse… Son instinct de chasseur, celui qui demeure en chacun des hommes, s’est éveillé… Oui, tout humain voyant un lézard, un papillon ou un oiseau a envie de l’attraper… Certains franchissent le pas, alors que d’autres, même s’ils l’ignorent, sont tout de même chasseurs, tout simplement car c’est dans leur nature et que leur corps tout entier a été conçu pour cela. Bref, je m’égare en pensant à ces âmes perdues… Revenons à notre Victor. Le sentiment que ce gamin a éprouvé face aux courlis répondant aux sifflements de son père fut trop fort.
Il fallait que j’y arrive moi aussi… Cependant, il ne me restait que 6 mois pour être prêt à la prochaine ouverture. J’ai donc logiquement demandé des conseils à mon père…
« Tout d’abord, il m’a demandé de me porter mes doigts dans ma bouche, dessous la langue et de tendre mes lèvres. Le but premier était d’émettre un son sans que cela ne corresponde à un oiseau. Je me suis entrainé 4 ou 5 fois par semaine et au bout de deux mois, les premiers sons nets sont sortis. Pour siffler, il faut positionner l’index et l’annulaire sur le bord des lèvres, l’utilisation des autres doigts est aussi possible mais c’est plus complexe. Il faut ensuite venir poser sa langue sur ses doigts et tendre légèrement les lèvres. Peu à peu, j’ai imité de plus en plus d’oiseaux…
Aujourd’hui, je maitrise 23 imitations : aboyeur, arlequin, gambette, barge rousse, bécasseau maubèche, les deux courlis, les deux pluviers, l’huitrier-pie, le vanneau, mais aussi des canards tels que le pilet, le siffleur, la sarcelle d’hiver…
Ma passion pour les oiseaux m’a permis d’apprendre et de reproduire le chant de quelques espèces protégées comme le cul blanc, l’avocette, la sterne, l’échasse blanche, le tourne-pierre, le goéland ainsi que les petits et grands gravelots. Depuis peu de temps, je m’intéresse à l’imitation du merle, des grives et de l’alouette. Ces espèces on le cri qui change en fonction de ce qu’ils font. Je peux donc imiter leur cri posé, au vol, de détresse, ou quand ils cherchent leurs congénères . »
Quand la baie est noire d’oiseaux !
Victor chasse beaucoup ! Cette assiduité, mêlée à une grande passion et un don faisant de lui l’un des meilleurs siffleux de notre hexagone, lui permet de réaliser de jolis tableaux… En fouillant dans la grange, encore presque neuve, de ses souvenirs, Victor a choisi de nous conter l’un de ses jolis coups. C’était le 16 août 2015…
« La baie était calme depuis trop de temps… J’avais donc décidé de rentrer à la maison pour prendre un peu de repos… Le lendemain matin, à mon réveil, mon téléphone était plein de messages de copains m’indiquant que les oiseaux étaient en baie ! Ni une, ni deux, je saute du lit et demande à ma mère – je n’avais pas encore le permis de conduire – de m’amener à la chasse. À 9h30, j’arrive au parking de la baie, je passe par les pâtures pour rejoindre la hutte. Sur le chemin, je fais décoller je ne sais combien de bécassines et de gambettes. Je presse encore plus le pas. Dix minutes plus tard, j’arrive enfin à la hutte et je n’ai même pas encore sorti mon fusil que cinq sarcelles me passent au-dessus de la tête. Les trois copains qui étaient déjà sur place, se lèvent et tuent 4 oiseaux. Juste avant, ils avaient cueilli 4 bécassines et un gambette… Mes coéquipiers de chasse me racontent un peu le début de matinée. Ils ont vu beaucoup de gros paquets de gambettes et pas mal de petits paquets de bécassines dans les pâtures. 30 minutes plus tard, deux bécassines se présentent. Je sors mon appeau et mon appel les fait tomber plonger sur les Mojos… Nous faisons mouche ! 2/2, c’est impeccable ! Quelques instants plus tard, ce sont 20 souchets qui pointent le bout de leur spatule… Je change d’appeau et je vois que les oiseaux descendent de plus en plus, ouvrent les ailes comme s’ils allaient se poser… Pan, pan, pan… le copain qui était parti chercher les bécassines manque le coche à 20 mètres… Ce n’est pas grave, c’est la chasse ! »
À 11h, la baie se calme… Cependant, la marée sera pleine dans 3h, donc Victor sait que les oiseaux vont recommencer à bouger. Effectivement, dès que la mer commence à monter, des gros paquets de limicoles apparaissent… C’est reparti !
20 bécassines sont charmées par les appeaux…
« Une vingtaine de bécassines nous rasent la tête en plongeant sur la cinquantaine de blettes et les ailes tournantes. On s’abaisse et on sort les appeaux à bécassines. Les oiselles réagissent et font demi-tour… Nous en tuons deux. Puis voilà des pluviers… Dans un gros vol qui se promène très haut, 3 oiseaux se laissent berner par mon imitation et ne repartiront pas. Vers 12h45, les limicoles commencent à voler vers le haut de la baie. On entend tirer mais rien ne remonte vers nous. C’était sans compter sur 5 combattants qui surgissent de nulle part. Je les appelle en imitant l’aboyeur et ils finissent par nous passer sur la tête.»
Dans un premier temps, nous en tuons 4, mais le cinquième a la mauvaise idée de revenir… Il rejoindra ses copains dans notre carnier… Cela n’arrête pas ; il y a des oiseaux partout ! Désormais, c’est un gros paquet de gambettes qui se fait entendre…
« Malgré nos appels insistants, les oiseaux ne réagissent pas… Ils prennent de la hauteur et s’en vont comme le feront les deux volées suivantes. Il ne reste que 45 minutes de montant. Des paquets plus petits apparaissent dont des pattes rouges qui s’approchent dangereusement de nos formes. Ils cassent sur la mare, mais passent un peu loin pour un joli coup… Nous en laissons quand même 3. Dans la foulée, un copain tue un aboyeur, puis 5 gambettes passent en bout de mare, hors de portée de nos fusils. Un coéquipier se décide à aller chercher les limicoles dans la mare. Il refait le tour comme tout à l’heure et trois sarcelles remontent de la clique en face de la hutte et plongent sur la mare. Il épaule, tire, et manque les oiseaux, à son grand désarroi… »
Vous pensez que c’est fini ? Non, tous les contes de fée se terminent en apothéose… Après 10 minutes de calme relatif, cela vole aux 4 coins de la baie…
« Il y a des paquets partout, mais les oiseaux sont trop électriques… Plus de 100 limicoles sont posés derrière nous dans les pâtures. Evidemment, tous les oiseaux dont de nombreuses pattes rouges vont se poser dans le paquet. C’est presque énervant ! J’entends des aboyeurs au loin… Eux s’approchent trop près de nous. Nous en tuons 2 et les détonations font envoler les pattes rouges des pâtures… 30 oiseaux se présentent et à la suite d’une pétarade nourrie, 6 tombent au champ d’honneur. Un autre petit paquet de pattes rouges se dirige vers nous. Ils arrivent de face… Boum, boum, boum, boum, nous faisons chacun notre doublé. La mer a fini de monter, la baie redevient calme… Quelques personnes repartent, nous ne sommes plus qu’à deux et décidons d’aller faire un tour le long du courant avant de repartir. Nous tuons 3 bécassines en plus et 1 aboyeur sur le chemin du retour. Quelle matinée, nous n’avons pas eu le temps de nous ennuyer ! »
Victor et ses copains en ont pris plein les yeux et les oreilles… 14 gambettes, 11 bécassines, 4 aboyeurs, 5 combattants et 3 pluviers sont accrochés au tableau. Voilà ce que peut offrir une baie à ceux qui savent la dompter ! Une chasse sauvage et naturelle comme de nombreux passionnés raffolent…
Cette chasse aux limicoles est véritablement à la portée de tous les chasseurs. Quand Victor n’était qu’un apprenti siffleux, il utilisait un appeau GNL coûtant moins de 7€… Avec, il faisait des miracles sur de nombreuses espèces. Ajoutez à cela quelques blettes, une ou deux formes à ailes tournantes, une carte de baie et vous pourrez vous essayer à cette chasse fabuleuse…
Dernier conseil, sur le ton de l’humour (enfin presque), si vous croisez Victor, fusil à la main, en Baie d’Authie, allez le saluer mais ne restez pas trop près de lui au moment de chasser…
Certains ont essayé et, comme le disent deux humoristes bien connus, ils ont eu des problèmes… En effet, quand l’enfant de la baie est présent et qu’il est dans un grand jour, il aimante les oiseaux et ne laisse pas grand-chose à grignoter à ses voisins d’un jour… Trêve de plaisanteries, la Baie d’Authie, est grande, belle, et si généreuse qu’elle est prête à offrir de fabuleux spectacles à ceux qui voudront bien fouler son sable.
Le Salon de la Chasse et de la Faune Sauvage 2023
Le Salon de la Chasse et de la Faune Sauvage de Rambouillet, qui aura lieu sur l’île Aumône, située en plein milieu de la Seine à Mantes la Jolie est connu comme le salon de chasse couvert le plus grand. Des exposants venus du monde entier se rassemblent pour présenter et démontrer les dernières nouvelles de l’industrie de la chasse en plein air couvrant autant des fusils de chasse que les vêtements à un public qualifié et intéressé. L’événement est une plate-forme de communication et information pour tous les chasseurs et les amateurs offrant d’excellentes occasions pour établir des nouveaux contacts.