Mortalité du chevreuil : Arrêtez de paniquer !

Chasse Actu
date 17 décembre 2024
author Richard sur Terre

On a longtemps parlé de « mortalité anormale » chez le chevreuil. Mais en creusant, les scientifiques nous montrent que tout est bien plus naturel qu’on ne le croit.

Stop aux légendes urbaines sur les chevreuils

Ça vous est sûrement déjà arrivé : vous êtes en forêt, et là, vous tombez sur un chevreuil en mauvais état, ou pire, sur un cadavre. Immédiatement, les hypothèses s’emballent : « C’est une maladie ! », « C’est à cause des chasseurs ! », « Le changement climatique ! »… Et voilà comment on arrive à parler de « mortalité anormale » du chevreuil, ou MAC pour les intimes.

Mais aujourd’hui, on va calmer tout ça. Non, les chevreuils ne disparaissent pas dans des proportions inquiétantes. Oui, ils meurent, mais c’est naturel. On appelle ça la régulation par la nature même si, on va le voir, elle a bien besoin d’un coup de main. Alors, on pose les armes, on arrête de crier au drame, et on regarde les faits.

La vérité sur les chevreuils : c’est la nature qui régule (calme-toi Jean-Kévin, et lis jusqu’au bout)

On le sait moins, mais la population de chevreuils dépend de 4 grands paramètres :

  • La proportion de femelles reproductrices (logique, sans femelles, pas de petits).
  • La fécondité, c’est-à-dire la taille des portées.
  • La survie des faons (les bébés chevreuils).
  • La survie des adultes.

Quand ces paramètres sont au top, tout roule. Mais dès qu’il y a trop de chevreuils pour pas assez de ressources, la nature joue son rôle : elle équilibre. Ça s’appelle la densité-dépendance. En gros, moins il y a de nourriture, plus les animaux faibles trinquent. Et c’est parfaitement normal.

Chizé et Trois-Fontaines : les « laboratoires à chevreuils »

Pour mieux comprendre, les scientifiques ont étudié les chevreuils sur deux territoires :

  • Chizé : 2 600 ha de forêt pauvre dans le Poitou-Charentes.
  • Trois-Fontaines : 1 360 ha dans la Champagne, avec des ressources bien plus riches.

Les résultats sont sans appel : les chevreuils ne meurent pas n’importe comment. Ils meurent principalement en fonction :

  • des conditions climatiques (sécheresses au printemps, hivers trop froids),
  • et de la disponibilité de la nourriture.

Les faons, eux, sont les premiers à payer l’addition quand ça va mal. Dans une mauvaise année (printemps sec, hiver rude), jusqu’à 70 % des petits peuvent y passer. Oui, c’est brutal. Mais non, ce n’est pas « anormal ».

Mortalité anormale ? Pas vraiment. Voici ce qu’il se passe

Pendant longtemps, on a voulu tout expliquer par des maladies ou des parasites. Bien sûr, il y en a : certains chevreuils attrapent des parasites intestinaux ou d’autres petites saletés, mais ce n’est rien d’extraordinaire. Les vétérinaires sont formels : ces maladies sont classiques et n’expliquent pas les variations de populations.

A lire aussi : Quand les cerfs, chevreuils et sangliers menacent la forêt

En réalité, c’est simple : quand il y a trop de chevreuils, ils crèvent de faim ou d’épuisement parce qu’ils se battent pour les mêmes ressources. Ajoutez à ça un hiver glacial ou un printemps pourri, et paf (pastèque), les plus faibles y passent.

Le pire ? Ces épisodes de mortalité passent parfois inaperçus. Les cadavres de faons disparaissent en quelques heures (merci les renards et autres charognards). Du coup, on ne s’en rend compte que quand les effectifs chutent, et là, on s’emballe.

Arrêtons les fausses accusations : chasseurs et maladies n’y sont pour rien

Un truc qui revient souvent, c’est : « C’est la faute des chasseurs ! ». Alors, soyons clairs : la chasse, quand elle est bien gérée, n’a rien à voir avec ces mortalités naturelles. Même dans les zones sans chasse, les chevreuils meurent tout pareil quand la nourriture manque.

Autre mythe : les « nouvelles maladies ». Bien sûr, des maladies émergent parfois, mais elles n’expliquent pas ces cycles de mortalité. La science nous dit que c’est avant tout une histoire d’équilibre naturel.

Que retenir ? Pas de panique, les chevreuils vont très bien

Alors, pourquoi on parle encore de « mortalité anormale » ? Principalement parce que les mauvaises années sont impressionnantes. Voir autant de chevreuils affaiblis d’un coup, ça marque. Mais ce qu’il faut comprendre, c’est que ces cycles sont naturels et qu’ils permettent d’éviter une surpopulation catastrophique.

Chiffres clés pour finir :

  • Dans une mauvaise année, seuls 30 % des faons survivent.
  • Les adultes, eux, s’en sortent mieux : leur taux de survie est de 60 à 70 % en général.

En bref : les chevreuils ne sont pas en danger. La nature sait ce qu’elle fait, et nos gestes de gestion (comptages, prélèvements raisonnés) permettent d’accompagner ce processus.

Démystifions la MAC

La mortalité des chevreuils n’a rien d’anormal. Elle est naturelle, souvent saisonnière, et elle permet à l’espèce de s’adapter à son environnement. Plutôt que de paniquer, on ferait mieux de s’appuyer sur ces données pour gérer durablement les populations.

La conclusion (pour Jean-Kévin) : La nature ne fait pas tout toute seule

On entend souvent dire que la nature « se régule toute seule ». Sur le papier, c’est beau. Mais dans nos pays hautement anthropisés, où les forêts sont fragmentées, les prédateurs naturels ont disparu et où les espaces sauvages se réduisent comme peau de chagrin, ce mythe ne tient pas debout. En réalité, la régulation naturelle des chevreuils, bien que réelle, se fait au prix de cycles brutaux de mortalité : famine, maladies, ou hivers rigoureux qui déciment surtout les jeunes.

A lire aussi : La diapause embryonnaire chez le chevreuil

Et c’est là que les chasseurs entrent en jeu. La chasse joue un rôle clé pour éviter ces « ajustements naturels » douloureux. En prélevant une partie des chevreuils chaque année, les chasseurs permettent de maintenir les populations à un niveau adapté aux ressources disponibles. Moins de surpopulation signifie moins de mortalités massives et une meilleure santé des animaux.

Peut-être, d’ailleurs, que nous devrions en prélever davantage dans certaines zones où les densités explosent. C’est un choix pragmatique pour limiter les épisodes de famine et réduire les impacts négatifs, que ce soit sur les chevreuils eux-mêmes, sur la régénération naturelle des forêts, ou sur les cultures agricoles.

La gestion des chevreuils, c’est donc un travail d’équilibre, où l’homme – et les chasseurs – ont toute leur place. Plutôt que de laisser la nature « faire le ménage » dans la douleur, mieux vaut anticiper, ajuster les prélèvements et préserver des chevreuils en bonne santé, pour une forêt dynamique et vivante.

En résumé : la nature ne peut plus tout faire seule, et la chasse est aujourd’hui un outil indispensable pour accompagner cette régulation.

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5 Commentaires :
  1. François Wachbar
    17/12/24

    Bravo Richard.
    Et merci pour ces explications simples et compréhensibles que je ne cesse d’essayer de faire passer dans l’esprit des chasseurs alsaciens depuis longtemps.
    Le chevreuil est une espèce territoriale et dynamique dans son renouvellement à condition de maintenir sa population dans des limites raisonnables.
    En Alsace, où on cultive le culte du trophée, j’ose affirmer qu’on ne préleve pas assez de jeunes et de femelles.

  2. Thierry Walter
    17/12/24

    Salut Richard
    Salut François

    Il manque cependant un facteur important: le décalage du débourrage des bourgeons avec les naissances, font que les chevreuils ne font plus de jumeaux sur notre territoire, et cela depuis 3 ans. Le plaine (chez toi François) est moins impactée, lais la montagne est touchée de plein fouet. Je m’explique, au moment des naissances, lorsque la femelle a le plus besoin de nourriture riche, les bourgeons sont déjà passés, donc moins de lait et une sélection sévère dès la naissance.
    Weidmannsheil François
    Amicalement

  3. loic
    17/12/24

    Pour une fois, je ne suis pas tout a fait d’accord avec ton analyse.
    Le réseau SAGIR examine les dépouilles en ce moment pour comprendre ce phénomène qui a lieu un peu partout en france et pas forcément dans des biotopes en surdensité.
    Plusieurs hypothèses sont avancées, mais pas avec certitude.
    De plus cette hécatombe ne touche pas que les chevreuils, mais aussi les cerfs, mouflons, chamois.
    Pour le chevreuils, la proportion est surtout pour les sujets adultes.
    Quelques cas de granulomatis, FCO et MHE,
    Les réservoirs gastriques sont pleins, ce qui écarte une surpopulation avec des combats pour se nourrir.
    L’étude des contenus ruminaux d’une dizaine de chevreuils issus de plusieurs départements distants a révélé que les plantes sont globalement peu digérées et ne correspondent pas au régime alimentaire de référence.
    L’ensemble de ces éléments est compatible avec la consommation de ressources inhabituelles et inadaptées à la physiologie digestive et les besoins énergétiques du chevreuil, qui peut expliquer la dégradation de l’état corporel et le polyparasitisme secondaire observés.
    Donc, pour le moment, on ne sait pas grand chose sur cet amaigrissement et mortalité anormale.
    Les études continuent en espérant trouver la réponse.

  4. Rocher
    17/12/24

    Les fauchage précoces avec des engins agricoles puissants er rapides ne laissent aucune chance aux faons.rajoutez certains désherbant colza et maïs,les routes,les renards voire les gros sangliers.

  5. Étonnant (non ?)
    18/12/24

    Bonjour.
    En effet, toutes ces explications ont déjà été traitées par Francis Roucher dans son livre sur le chevreuil. Il a effectué une démonstration (magistrale) in situ sur 2500 ha en Alsace. Il raconte qu’au départ, le poid moyen des brocards vidés était de 12 kg. A l’issue des opérations de réduction de la population, opérées conjointement avec des mesures sylvicoles pour améliorer la forêt (de production, smcc) et la capacité d’accueil, le poid moyen est grimpé à 22 kg.
    J’ai eu le même phénomène ici il y a une dizaine d’années. La plan de chasse, 22 bracelets, permettait à la population de croître. Il y a eu un augmentation des prélèvements de 50% sur 4 ans et des éclaircies fortes dans le peuplement. Aujourd’hui, il est de 30 et stable. Vous me direz, il n’est pas fondamentalement différent. Non, mais ce qui a changé, c’est que la population avant naissances est moins importante qu’auparavant.
    Je ne suis pas Francis Foucher. Il a tenté pendant quarante ans de sensibiliser le monde cynégétique à ces questions fondamentales. Je ne compte pas relever le défi.
    Alors, si vous pouvez, faîtes en sorte de mettre en place des Salons de la Gestion à la place des Salons de la Chasse. Je pense qu’il y a un besoin.
    Et pesez vos animaux !

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