J’ai pour habitude de dire et de me considérer comme passionné par tous les attraits du guib africain, par sa beauté et par l’analogie que l’on fait avec notre chevreuil qui reste mon animal de cœur. Par conséquent, le guib de Ménélik, à la robe noire originale et présent uniquement en Éthiopie me faisait envie, tout comme le nyala des montagnes d’ailleurs. Or, sauf un coup de pouce quelconque, un safari dans ce pays m’était résolument inaccessible financièrement.
Texte & photos : Robin Ragnarc
Et puis la vie a voulu que de mes amis me convient pour leur mariage à Porticcio. N’ayant jamais vu la Corse, mon épouse et moi avions prévu d’arriver à Calvi une semaine avant afin de visiter l’île. Bien sûr, je restais connecté avec mon travail et je gérais les affaires courantes par mail quotidiennement.
Le vendredi précédant la cérémonie, je découvris un mail d’une célèbre agence de chasse qui proposait un safari en Éthiopie en grande partie financé à cause d’une annulation tardive pour raison de santé. Or, le destin, souvent facétieux, voulut que le responsable de ladite agence soit aussi un invité du mariage. Quelle aubaine, j’allais pouvoir en discuter en tête-à-tête avec lui. Ce qui ne manqua pas d’arriver. Et au terme d’une belle nuit festive, j’obtenais le blocage provisoire du séjour jusqu’au lundi. Le temps de… rien du tout en fait car, pour moi, c’était acté.
Accueilli et guidé par Nassos
La préparation du séjour fut très atypique car je n’allais pas partir chasser en savane mais en zone semi-montagneuse et montagneuse dans des plantations d’eucalyptus. J’appris qu’un collaborateur du prestataire local serait mon guide. Ceci qui me déçut quelque peu car le boss de la compagnie n’était autre que Nassos Roussos. Bien que je ne connaisse rien de lui, je n’ignorais pas son prestige et sa réputation de professionnel de la chasse. Je l’avais vu tant de fois dans les revues cynégétiques. Qu’à cela ne tienne, j’allais découvrir l’Éthiopie quelques mois plus tard.
Le voyage se déroule parfaitement bien. L’arrivée à Addis-Abeba est sans encombre et, après le passage en douane, je me dirige vers les tapis restituant les bagages.
Je suis attendu là par un local qui me réceptionne et me demande de lui désigner mes effets afin qu’il les récupère. Il semble bien connaitre les autorités et nous circulons sans aucune contrainte avant d’aller récupérer mon arme.
Alors que nous marchons vers la sortie, mon hôte me demande de patienter quelques instants. Il s’éloigne et engage une conversation au départ avec des douaniers et deux autres personnes mais je ne prête guère attention à eux et je reste concentré sur mes bagages. Je promène mon regard dans les grandeurs du hall d’aéroport.
Tandis que je repose les yeux sur mes bagages, je suis saisi car j’ai en face de moi Nassos Roussos. Je suis fébrile à l’instant de le saluer et je l’interroge sur sa présence totalement imprévue. Il me répond du tac-o-tac qu’ayant vu mon jeune âge, il avait eu peur que son associé plutôt, disons enrobé, ne soit pas à la hauteur. Je suis très flatté et très heureux d’avoir le privilège de chasser avec une sommité dans le domaine revenue spécialement des États-Unis. Le personnage est sec dans tous les sens du terme. Malgré son physique modeste, il en impose énormément. Nous rejoignons le parking et Nassos Roussos s’installe au volant. Il ne le quittera plus jusqu’à destination.
Nous quittons la capitale et je découvre des faubourgs humides sans fin tapissés de grands arbres. La banlieue me paraît interminable. De vastes étendues parsemées d’habitations succèdent à la ville et je suis déjà surpris par la densité de la population. La largeur des routes puis des pistes rétrécit au fil des kilomètres. Nous traversons un dernier village, Munessa, avant d’arriver au pied d’une montagne. La voie semble fendre la forêt en deux. Compte-tenu de la pente, l’eau ruisselle sur un sol damé par le temps. Nous serpentons, croisons de nombreux autochtones dans les deux sens et après cinq heures de route, nous arrivons sur une clairière enherbée au milieu des eucalyptus ou sont installées quelques tentes et un auvent rustique. Il s’agit de notre campement de base.
Camp rudimentaire
Un membre du personnel prend mes bagages et m’accompagne à ma partie privative. Un lit picot, une table de nuit en plastique et un meuble à ranger en toile, l’ensemble est rudimentaire. Derrière la toile est formée par quelques piquets et une grande bâche orange une sorte de cour intérieure à ciel ouvert qui n’est autre que ma salle de bain. Au sol, dans le milieu, en guise de douche, une natte de paille tressée avec un carré de bois au-dessus duquel pend un bidon attaché à une corde tendue. De l’eau chaude chauffée au feu de bois est approvisionnée à la demande tous les soirs. Derrière, un bloc recouvert de plastique est surmonté d’un abattant de toilette. A droite un miroir est fixé sur un poteau.
Après une petite collation, Nassos me propose d’aller faire un petit tour pour me familiariser avec ce milieu atypique. Nous sortons du campement et empruntons une piste boueuse qui part vers la gauche en forêt. Nous roulons quelques minutes et Nassos fait arrêter la voiture en bordure d’une éclaircie. Je suis surpris à cet instant par le nombre de personnes qui nous accompagnent.
Nous ne sommes pas moins de 8 dans le véhicule, mais je comprendrais plus tard pourquoi. Nous descendons et longeons une espèce de contre-allée qui nous amène tout en haut d’un monticule boisé.
Nous faisons une halte d’observation et après quelques minutes une troupe de nyalas vient droit sur nous depuis la vallée. Ce groupe compte 11 individus mais bien que je sois prêt aucun mâle mature n’est présent. Nous restons en poste quelques instants sans rien voir de plus mais cette rencontre initiale rapide m’enthousiasme et me remplit d’optimisme. Le moment est venu de regagner le campement, de boire une bière en mangeant des popcorns salés et finissons notre soirée autour de bolognaises. Le confort très relatif du lit picot ne m’empêchera pas de passer une bonne première nuit. Le milieu est très humide.
Pour notre première matinée, nous quittons le camp et prenons, après quelques centaines de mètres d’une route très boueuse, un chemin de traverse. L’accès est très compliqué et nous devons par endroits boucher le fossé créé par le ravinement de l’eau avec de gros morceaux de bois. Nassos dirige tout le monde depuis la place de conducteur. Malgré le blocage du différentiel, il faut quelques minutes pour réussir à faire passer le véhicule. Tout en conduisant le guide m’explique que les populations locales respectent la zone de chasse et sa faune sauvage. De ce fait, le braconnage est très limité. Nous roulons un bon moment au milieu des arbres et plusieurs fois manquons de nous embourber. Nous retrouvons finalement un semblant de piste qui descend en droit sur un axe perpendiculaire bien identifiable sur lequel j’aperçois 3 personnes qui se cachent à notre arrivée. Je signale leur présence à Nassos. Il est agacé et m’explique que parfois les villageois empruntent cette voie pour rentrer plus vite chez eux puisqu’elle constitue en quelque sorte un raccourci.
Malheureuse initiative
Nous prenons justement la piste dans le sens d’où venaient le trio. Je me dis à cet instant qu’il y a très peu de chances que nous puissions voir des nyalas. Pourtant, très peu de temps après, j’aperçois à une centaine de mètres de mon côté du véhicule l’une de ces antilopes. Elle est dissimulée dans les rejets végétaux en bordure d’une colline naturellement boisée. Je ne vois que sa tête et son trophée monstrueux, en forme de vase de Médicis, avec des pointes immenses vers l’extérieur. Je fais arrêter le véhicule et m’extrais rapidement pour saisir l’opportunité.
Le temps que Nassos me rejoigne après avoir interrogé ses pisteurs perchés dans la caisse du véhicule et d’expertiser l’animal, je prends le parti de le tirer à bras-franc.Je suis encore aujourd’hui navré de cette initiative malheureuse. Non parce que j’ai finalement manqué ce trophée, peut-être record, mais surtout parce que j’ai agi sans concertation au détriment des compétences de Nassos qui, connaissant parfaitement le comportement des animaux locaux, m’aurait sûrement placé dans des conditions bien meilleures.
Ma précipitation, ma crainte de ne pas avoir d’autre occasion vu la brièveté du séjour, m’ont aveuglé, fait faire une bêtise et ont failli faire basculer mon safari. A l’endroit du tir, il semblait que la végétation était agitée et laissait à penser que le nyala se débattait au sol. Nassos, surpris par ce comportement pour le moins atypique d’un chasseur, essaie de comprendre et d’analyser la situation. Je pense qu’à cet instant, sa stupéfaction est telle qu’il n’envisage même pas de me réprimander. Jusqu’à ce que nous arrivions à l’anschuss, je pensais y trouver mon nyala mort. Finalement, rien, pas plus de nyala que d’indice à l’endroit du tir. Je suis d’autant plus déçu que, pistant sur quelques centaines de mètres, nous voyons l’antilope partir au loin dans les hauteurs. Nous faisons des chemins émotionnels inverses avec ce grand maître qu’est Nassos car quand je me recroqueville moralement, frustré et dépité, Nassos affiche un sourire malin et me glisse : « You’re lucky, you missed ! », traduction : « Tu es chanceux, tu l’as manqué ! » En effet, le moindre signe de blessure aurait signé la fin de ma chasse au nyala.
En Éthiopie, on ne lésine pas avec la réglementation et les quotas sont extrêmement limités. Le soir, je suis abattu et les bolognaises ont du mal à passer.
Au matin du troisième jour, nous faisons un affût en contre-haut d’une jeune plantation qui borde la zone d’où sortait le nyala de la veille. Au cas où, Nassos envoie aussi des binômes de pisteurs dans différents secteurs pour augmenter les chances d’observer le fameux animal. Je comprends alors l’intérêt de venir nombreux. Nous apercevons quelques femelles qui s’aventurent à découvert pour manger les jeunes pousses végétales qui sortent entre les plants d’eucalyptus, mais pas un mâle intéressant à l’horizon. Nous entendons également les différentes catégories de singes hurler dans les collines. L’affût du soir est décevant et nous n’observons rien.
Il pleut beaucoup la nuit suivante et le 4ème jour me fait vivre quelque chose de vraiment inédit, voire d’incroyable en Afrique : la pose de chaînes aux pneus de la voiture tant celle-ci patine et peine à avancer en montagne. Stationnés plus loin, nous gagnons à pied une zone forestière en hauteur d’où nous toisons une vallée que Nassos m’annonce très prometteuse. Nous nous installons à une dizaine de mètres l’un de l’autre encore une fois pour optimiser l’observation. Durant deux heures, nous ne voyons rien puis je décèle soudainement, à une centaine de mètres, sur un gros tronc d’arbre, dans un enchevêtrement végétal intense, une silhouette caractéristique.
J’annonce au guide que j’ai en visu un léopard. Il me répond par un haussement d’épaule qui me signifie qu’il ne me croit pas. Mais devant mon insistance, Nassos me rejoint enfin et nous contemplons avec bonheur ce magnifique félin que j’immortalise en vidéo. Reste que sa présence explique surement l’absence de nyalas.
L’après-midi, nous retournons dans le secteur du premier jour et nous inspectons, à pieds, les zones dégarnies de forêts. Au loin, une masse retient notre attention. Nous approchons via les excavations du paysage et j’ai le bonheur d’observer mon premier guib de Ménélik. C’est un mâle superbe. Comme j’en ai un à ma liste d’espèces chassables, j’interroge donc Nassos sur la possibilité de tirer. Un second mâle, au moins aussi beau, débarque à son tour pour défier le premier. Pendant ce temps, Nassos me signifie que le quota de guibs sur le territoire où nous nous trouvons est déjà réalisé et qu’il est par conséquent impossible de récolter un autre individu. Toutefois, nous restons à observer les deux protagonistes se toiser. C’est une scène magnifique où une chorégraphie robotisée, avec leurs poils hérissés sur le dos, précède des charges, cornes à cornes, violentes.
En soirée, après l’incontournable cérémonial bière, popcorns salés et plat de bolognaises, Nassos, guide exceptionnel et fin psychologue, me propose de changer de zones pour aller chasser plus spécifiquement le guib car les nyalas sont étrangement discrets. J’accepte volontiers car, si j’ai compris et accepté la nécessité de devoir beaucoup affûté, je suis surpris de ne pas voir plus d’animaux alors que la promesse du premier jour était toute autre. Nous voilà donc le lendemain sur la route pour 4 à 5 heures en direction des montagnes du Balé. En tant que fils de paysan, a beauté et la fertilité de la terre m’interpellent tout comme d’ailleurs l’omniprésence d’humains. Sur le trajet, je ne pense pas avoir fait plus d’un kilomètre sans observer, de près ou loin, une habitation, y compris quand notre route, même autoroute (merci les chinois) s’élèvera un peu. Nous subirons des averses de pluie incroyables. Il est temps pour moi de m’attarder un peu sur ce personnage formidable qu’est Nassos Roussos. Son profil de petit bonhomme sec, un peu austère, fait de lui le parfait archétype du vieux colon grincheux psychorigide.
Un petit évènement, et la fin du séjour, seront pour moi révélateurs sur le vrai profil de ce personnage d’origine grecque natif d’une famille installée en Éthiopie depuis plusieurs générations. Ainsi, alors que nous faisons le plein d’essence à mi-chemin, se présente de son côté de la voiture un enfant en pleurs qui lui montre je ne sais quoi. Je vois alors mon guide instantanément lui donner un billet, signe d’une générosité spontanée et sincère. Il m’explique quelques instants plus tard que le bambin avait des mutilations aux organes génitaux et qu’il avait certainement du mal, dans cet état, à survivre.
Nassos voue un profond attachement à l’Éthiopie et à son peuple. N’en déplaise à beaucoup, il est ici parfaitement apprécié et considéré.
Nous arrivons dans l’après-midi à l’hôtel « Goba wabe shebelle », il présente bien. Comme à l’accoutumée, l’air chaud pulsé par de grands ventilateurs, une télé allumée dans le fond du hall d’accueil et quelques décorations typiquement africaines constituent le décor standard de la majorité des établissements hôteliers africains. Au regard de l’heure tardive, nous passons directement à table pour dîner car nous devons reprendre la route tôt le lendemain. Ce soir, pas de pop-corn salés, ni de bolognaises, mais une omelette et des frites servies en grandes pompes. Je gagne ma chambre et suis surpris d’y trouver quelques bestioles, des interrupteurs tombant des murs et un remake de l’eau ferrugineuse de Bourvil quand j’ouvre le robinet de ma salle de bain. Je laisse le liquide s’écouler quelques minutes avant de renoncer car il est toujours aussi marron. Au diable la toilette du soir !
Chasse rapide
Au petit matin, à peine avons-nous quitté le « Goba wabe shebelle » que nous apercevons des montagnes que Nassos me désigne comme notre destination pour chasser. Nous roulons dans des faubourgs où nous nous retrouvons coincés derrière un camion enlisé tellement les routes sont gorgées d’eau. Après avoir perdu 45 minutes, la situation se décante et nous réussissons à contourner l’obstacle in extremis.
Nous circulons au milieu de plaines cultivées de maïs, de céréales (orge essentiellement) et arrivons dans un village dont on dirait chez nous qu’il a du charme. L’ensemble est très structuré avec des voies de circulation propres et dégagées. Des haies de cactus bordent les propriétés. Je m’enquiers auprès de Nassos du pourquoi de la chose. Il m’explique que c’est le seul moyen d’éviter l’intrusion des hyènes la nuit dans les maisons. Nous nous garons à la sortie de l’agglomération et en quelques minutes une dizaine de personnes nous entoure. Nous sommes au pied d’une montagne arbustive où s’intercalent quelques clairières buissonneuses. Nous faisons connaissance avec tout le monde et on nous amène des chevaux car le début de l’ascension se fait avec leur aide. A peine avons-nous parcouru 200 mètres que nous apercevons nos premiers guibs, une femelle et son jeune. Un jeune mâle apparait cent mètres plus loin, puis une autre femelle. La pluie redouble alors que le nombre de guibs aperçus ne cesse d’augmenter. Huit en à peine cinq cents mètres, je n’en reviens pas de la densité et surtout de la proximité des antilopes avec le village. Nous sommes désormais descendus de cheval et nos pisteurs nous accompagnent en nous protégeant avec des parapluies. C’est irréel : il pleut à torrent, nous sommes une douzaine à la queue-leu-leu pour chasser le guib qui foisonne et tout ça à même pas 200 m à vol d’oiseaux des habitations.
Au détour d’un virage sur la piste, un beau mâle est aperçu se dérobant à une centaine de mètres au-dessus de nous. Il disparait bientôt de notre champ visuel à cause de la pluie et de la végétation. Nous prenons le parti de continuer avec deux pisteurs et deux chevaux tenus en longe. Le guib est repéré deux cents mètres plus loin, arrêté sous un bosquet. Son mimétisme est impressionnant et il me faut quelques instants pour bien identifier sa silhouette. Mon optique est trempée et le cocktail humidité/chaleur a provoqué la formation de buée. Bien que j’essuie l’oculaire, la vision reste floue et la visée compliquée. Ma balle quitte le canon et frappe l’objectif au niveau du foie. Il fait quelques mètres et s’effondre en succombant à l’hémorragie provoquée. Je suis aux anges, j’ai fait un guib de Ménélik. Je n’ai pas vraiment d’idée sur la qualité du trophée mais je ne suis pas inquiet du jugement de mon guide.
Toutefois, d’un seul coup je suis pris d’une petite pointe d’amertume car tout est allé si vite que je n’ai pas vraiment pu profiter de cette chasse. Le guib est tombé certes mais cela a duré à peine trente minutes. En même temps, je n’oublie pas le proverbe de La Fontaine qui dit : « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras » … Surtout à la chasse dans une contrée si éloignée. Après les photos d’usage, compliquées sous la pluie, le guib est chargé sur un cheval et descendu vers la voiture. Il est temps de regagner Munessa car le nyala court toujours lui.
Place au nyala
Revenu à ma tente, je rêve à un heureux dénouement. Nous sommes au 7ème jour et je suis un peu tendu d’autant que nous n’avons pas vu de mâle la veille au soir. Nous stationnons dans une zone plutôt dégagée et Nassos envoie des équipes en observation tous azimuts. Le temps passe et rien d’intéressant n’est observé. D’un seul coup un émissaire nous rejoint le sourire aux lèvres. Il annonce l’observation d’un joli mâle. Nous fonçons sur le site indiqué qui est distant de quelques centaines de mètres de l’autre côté de la route principale qui traverse la zone. L’un des lieutenants éthiopiens de Nassos nous attend et nous amène en position.
Nous sommes en haut d’une grande vallée dont notre versant est garni d’arbustes divers tandis que le versant opposé est recouvert d’une forêt assez dense. Il est à au moins 250 mètres en droit. Seul le quart avant du nyala émerge du massif dans une végétation qui lui arrive à mi abdomen. J’ai connu des situations de tir bien plus confortables. C’est d’autant plus vrai que l’animal est de trois-quarts arrière puis il me semble de plein profil à l’instant du tir. Le coup part et ma cible aussi. Je me retourne et vois Nassos interroger ses pisteurs qui paraissent circonspects. Cela ne me rassure guère d’autant que quand nous arrivons à l’endroit du tir les indices ne sont pas légions, juste quelques gouttes de sang plutôt foncé.
Certains des pisteurs ont déjà inspecté une centaine de mètres de terrain et reviennent mines basses car ils ne trouvent plus d’indices. D’autres ont vraisemblablement continué le chemin, mais il y a tellement de monde que l’inventaire est pour moi impossible.
Les recherches vont bon train, cependant après 30 minutes, toujours pas d’indice probant. D’un coup, un des pisteurs revient et nous demandent de le suivre car des villageois ont vu le nyala blessé traverser la route principale et lui ont indiqué sa direction de fuite. L’enthousiasme remonte et nous prenons la piste à l’endroit indiqué dans une plantation déjà assez haute nous offrant un bon champ de vision.
Nous pistons depuis 200 à 300 mètres quand un des pisteurs à l’arrière signale le fuyard devant nous. Je lève les yeux et je le visualise immédiatement qui se faufile en titubant. Il est de trois-quarts arrière à 100 mètres. Je ne peux pourtant agir car j’ai dans mon axe un pisteur et Nassos. Tout le monde voit le gibier disparaitre dans un écrin végétal dense. Brutalement, le guide se retourne et me passe un savon parce que je n’ai pas tiré. Bien que je tente de lui expliquer que les conditions de sécurité n’étaient pas réunies, il ne décolère pas. Nous reprenons le pistage et découvrons que le nyala a sauté une allée séparant deux parcelles très épaisses. Or, après avoir débriefé avec son équipe, Nassos ne prend pas la trace mais part sur la droite sur l’allée en m’invitant à le suivre avec une petite moitié de l’équipe.
Les dés sont jetés
Comme je l’aurais fait en chassant en France, je balise par réflexe la voie du nyala de deux brindilles entrecroisées. S’en apercevant, le patron revient sur ses pas et balance mes marques en me disant que ça ne sert à rien. Depuis quelques minutes, je me demande vraiment s’il est gentil ou s’il n’en peut plus de mes initiatives qui dénotent dans cet univers de la chasse en Afrique où le guide est tout puissant et le chasseur tout obéissant.
On ne se refait pas et il est vrai que j’aime être acteur de mes chasses et même dans un contexte plutôt anglo-saxon, je ne peux me renier. Toutefois, ayant déjà une fois manqué de discernement lors du premier jour, je me dois de me rattraper et de suivre le plan que Nassos a élaboré pour réussir à retrouver mon nyala. Il me demande de contourner une grande zone très touffue avec deux gars équipés d’un émetteur-récepteur et d’aller me poster sur le versant opposé à la zone où il pense que le nyala s’est réfugié.
Un quart d’heure plus tard, je suis en place et Nassos lance le reste son équipe dans une poussée silencieuse à travers les plantations. Après quelques minutes, l’émetteur grésille et une voix criarde annonce, je l’imagine sans comprendre le moindre mot, l’arrivée du blessé.
En effet, le nyala apparaît. Il se déplace difficilement en lisière de la forêt d’en face et je comprends qu’il cherche une zone dégagée pour pouvoir s’échapper aux traqueurs. Je ne saurais dire la distance exacte qui me sépare de lui mais il n’est pas bien gros dans ma lunette pourtant au grossissement 8 ! Je lâche une balle qui fend l’air et siffle au loin, j’ai forcément raté. Je réarme ouvre à nouveau le feu à au moins deux cents mètres à l’instant où le nyala disparait de ma vue et rentre à nouveau dans la forêt.
Les dés sont jetés et même si je n’ai pas entendu le bruit classique de l’impact de la balle dans l’animal, je la sens bien. Nous prenons la direction de l’endroit du tir, les traqueurs arrivent sur place avant nous. Les échanges au talkie vont bon train mais pas d’annonce. D’un seul coup, un des pisteurs me saute dessus et me prend dans ses bras. Tout le monde se met à hurler et les cris résonnent en écho dans la vallée. C’est à celui qui fera le plus de bruit. De toute évidence, le nyala est mort. Des dizaines d’enfants ont déjà débarqué le temps que nous nous rendions auprès de la dépouille. Je ne sais pas d’où ils sortent mais en tous cas j’ai l’impression que nous nous connaissons depuis toujours tellement leur accueil est chaleureux.
Ma première balle, après avoir cassée l’omoplate, est tangentielle à l’axe omoplate/encolure et provoque une hémorragie lente. Nassos arrive après quelques minutes et je retrouve un personnage apaisé et souriant. Je le remercie vivement, presqu’abusivement, tellement je suis soulagé mais il absorbe ma joie modestement et se met un peu à l’écart pour me laisser la place du héros auprès de l’équipe. La grande classe car franchement, sur ce safari, je n’ai d’une part pas bien tiré et d’autre part failli gâcher un séjour qui m’était tombé dessus miraculeusement.
J’ai l’impression que nous nous connaissons depuis toujours tellement leur accueil est chaleureux.
Je souhaite conclure mon récit en revenant sur Nassos Roussos, il m’a impressionné. En première intention, on peut redouter quelqu’un d’inaccessible voire d’austère mais en réalité, c’est une personne attachante d’une grande générosité ainsi qu’en attestera ma dernière journée passée avec lui. Il me conduira dans un club à Addis-Abeba regroupant de nombreuses personnes d’origine grecque, m’offrira un délicieux repas et nous partagerons quelques bonnes bières ensemble dans l’après-midi qu’il refusera que je paie. Pour finir, il m’accueillera chez lui, me fera voir quelques-uns de ses (très) beaux trophées avant de me raccompagner lui-même à l’aéroport.
Six mois plus tard, lorsque je lui ai adressé un mail pour prendre de ses nouvelles et le remercier encore une fois, il me répondît qu’avec moi il avait passé un safari « terrific » ! Sur le coup, victime d’un « faux ami », je crus comprendre que je lui avais laissé un mauvais souvenir, un souvenir « terrifiant ». La traduction « formidable, super, génial » me rassura et je compris à cet instant que finalement il m’avait bien apprécié malgré mon comportement. A aucun moment, il ne me reparla de mes initiatives malheureuses.
Au contraire, il loua mon tempérament, me fit remarquer qu’il avait beaucoup apprécié que je participe jusqu’au bout pour retrouver le nyala et souhaita que je puisse revenir et me promis de me faire vivre encore de très belles choses. Que ma plus grande admiration et mon plus profond respect lui soient ici témoignés.
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