Amy Dickman, figure de la conservation et professeure à Oxford, dénonce la haine en ligne qui pollue les débats sur la biodiversité, réduisant les échanges à une polarisation stérile.
Amy Dickman, professeure de conservation de la faune sauvage à l’Université d’Oxford, connaît bien l’hostilité qui règne sur les réseaux sociaux lorsqu’il s’agit de défendre des points de vue scientifiques sur la faune, parfois en opposition aux idéologies militantes. Forte de plus de vingt ans d’expérience sur le terrain africain et directrice de l’Unité de recherche sur la conservation de la faune (WildCRU), elle défend une approche nuancée de la conservation, basée sur des faits et des données scientifiques. Mais pour cela, elle fait souvent face à des torrents d’insultes et de haine.
Des scientifiques piégés dans la polarisation numérique
Amy Dickman a récemment dénoncé le déferlement d’insultes qui l’a visée simplement pour avoir osé corriger des fausses informations autour de la chasse au trophée et de la conservation en Afrique. Face à des accusations la qualifiant de « fanatique », « dérangée » ou encore de « maléfique », elle questionne cette agressivité numérique qui semble vouloir transformer chaque débat en une guerre de clans. Elle rappelle que même lorsque l’on n’adhère pas personnellement à la chasse, il reste nécessaire d’écouter toutes les perspectives. « Si nous n’acceptons pas d’entendre des avis divers, comment pourrons-nous trouver des compromis ou des solutions ? » s’interroge-t-elle.
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Ce rejet pur et simple de l’autre empêche souvent d’admettre que les opinions en matière de conservation peuvent varier d’un endroit à l’autre, et même au sein de l’Afrique. Dickman pointe les absurdités qui en résultent : « il est faux de prétendre qu’il existerait une unique “valeur africaine” concernant la chasse et la conservation. » Pourtant, des militants tentent de réduire ce sujet complexe à une opposition binaire entre le bien et le mal.
Les faits avant les émotions : quand les données scientifiques sont écartées
Pour Dickman, c’est un des plus gros dangers actuels des débats environnementaux : laisser les opinions personnelles primer sur les données factuelles. Elle cite, à titre d’exemple, la réaction de l’activiste Paula Kahumbu, qui qualifie l’opposition à la chasse au trophée comme une question identitaire : « Demander à quelqu’un de changer d’opinion sur la chasse, c’est comme lui demander de changer de religion. » Un raisonnement qui, pour la scientifique, est dangereux car il relègue les faits au second plan. « Les décisions de conservation doivent se baser sur les faits, pas sur nos croyances personnelles, » déclare-t-elle. Elle ajoute que les données de l’UICN, organisation internationale dédiée à la conservation de la nature, montrent que « le braconnage, pas la chasse au trophée, est le principal danger pour la survie des espèces. »
L’appel à une désescalade pour sauver le débat public
Au-delà de son propre cas, Dickman s’inquiète des répercussions à long terme de ces pratiques numériques haineuses. Les menaces, les insultes et le harcèlement systématiques à l’encontre des chercheurs et des professionnels de la faune risquent, selon elle, de décourager les voix rationnelles de s’exprimer publiquement. « Si nous n’agissons pas maintenant pour modérer la façon dont nous engageons les débats de conservation, nous allons créer une situation où les personnes ayant des opinions différentes seront de plus en plus intimidées et réduites au silence. »
À travers cet appel, Dickman ne cherche pas à dicter un point de vue particulier, mais bien à inviter chacun à plus de mesure, quelle que soit sa position personnelle sur la chasse. Car au final, comme elle le rappelle, « nous sommes tous du même côté : celui de la préservation de la biodiversité et de la santé des écosystèmes. » Ignorer la complexité du terrain et les bénéfices que peuvent avoir certaines pratiques cynégétiques dans la protection des habitats revient à nier la diversité des réalités environnementales.
Pour nous, acteurs de la conservation et de la chasse, son message résonne comme un rappel essentiel à l’heure où les réseaux sociaux simplifient dangereusement les discours. La science et la raison doivent rester au centre des débats, non les campagnes d’opprobre. Gardons à l’esprit que le vrai combat, c’est contre la dégradation de notre environnement, et non entre nous.
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