Il y a quelques semaines, des départements du sud de la France ont décidé de frapper un grand coup en votant, lors d’assemblées générales, une grève des chasses du grand gibier. L’objectif avoué est de frapper là où ça fait mal pour garantir la pérennité des chasses traditionnelles. Une bonne idée ? Ça reste à voir…
Texte : Richard sur Terre
En vérité, nous l’avons tous pensé au moins une fois. A force de crouler sous les attaques des perchés de la cause verte, on en vient à vouloir leur montrer à quoi on sert. Oh nous, bien sûr, on ne chasse pas dans le but de réguler (ce que Willy Schraen avait résumé dans les Grandes Gueules de RMC par ces mots largement incompris : « j’en n’ai rien à foutre de réguler !»). On chasse parce qu’on aime la chasse. Mais il se trouve que lors de la pratique qui est la nôtre, nous participons aussi à la régulation des grands ongulés, service public largement sous-estimé et généralement balayé par le fameux « la nature se régule toute seule » (inutile ici de développer la raison pour laquelle cette affirmation est idiote, j’en ai parlé moultes fois en vidéo). Bref, la chasse rend des services aux français cependant que des forces tentent par tous les moyens de la réduire à ces seuls services. Inacceptable.
C’est la raison pour laquelle ces fédérations ont décidé de se mettre en grève tant que (je cite la FDC 40) « l’Etat français ne prendra pas les dispositions visant à assurer la protection par la voie réglementaire des usages culturels que représentent nos chasses locales et endémiques ».
Et dans l’absolu, ça semble être une bonne idée. Mais je m’inquiète cher lecteur. Je m’inquiète parce qu’il me semble que des effets indésirables à cette médecine pourraient bien apparaître.
Déjà, si les chasseurs cessent leurs activités de régulation, je ne donne pas cher de nos relations (déjà parfois tendues) avec les agriculteurs. Imaginez les dégâts massifs aux cultures, et imaginez la colère de ces gens qui verront leurs efforts anéantis par les raids nocturnes de notre bien-aimé suidé. Je vous prédis des tonnes de fumiers devant les préfectures, et des noms d’oiseaux dans les micros. Je vous prédis aussi une explosion des cultures engrillagées qui morcellent la nature parfois de manière insupportable.
Et quelle image pour les chasseurs ? L’opinion publique ne verra-t-elle pas de l’égoïsme dans cette manœuvre ? Est-elle prête à comprendre des revendications qui seront de toute façon mal expliquées par des journalistes paresseux ?
Parce que je vous le dis : ils iront au plus court, et reprendront les éléments de langage de nos amis animalistes qui n’hésiteront pas à résumer les choses ainsi : « Les chasseurs ne veulent plus réguler tant qu’on ne les laissera pas flinguer des espèces protégées de manière cruelle ». Je ne parierais pas sur un bilan positif de cette opération en termes de communication.
Ensuite vient la question de la réponse du gouvernement face à cette pression. Que va-t-il décider ? Va-t-il garantir la pérennité de la chasse de la palombe au filet ? Rien n’est moins sûr, et j’y vois un risque majeur : Si l’Etat, au pied du mur, prend en main la régulation des ongulés via des mesures périphériques tels que piégeage/abattage, tirs de nuit, subventions pour clôturer, battues administratives etc. comment ensuite revenir en arrière ?
La pression se retournera alors contre nous et les adversaires de la chasse auront beau rôle de répéter à l’envi que la preuve est faite de son inutilité. Et ils le feront de la seule manière qu’ils connaissent : le mensonge. Ils diront les pires âneries après lesquels (selon la loi de Brandolini) nous courront vainement. Sommes-nous prêts à créer des « départements tests » sur une régulation différente des ongulés ? Et sommes-nous prêts à parier sur la pertinence des leçons qui en seront tirées ?
Quand ils ont appris cette décision prise par certaines fédérations, les animalistes se sont frotté les mains, bien conscients que nous étions en train d’ouvrir une boite de Pandore dans laquelle ils sauront plonger avec toute la haine et la détermination qui les caractérisent.
La chasse évolue tous les jours. La sécurité grandit tous les ans. Et il me semble que nous marquons des points dans l’opinion. Alors c’est vrai, nous ne sommes pas « les petites mains de la régulation », comme l’a dit Willy Schraen ; notre bonheur de chasser va bien au-delà de cette considération. Mais je ne crois pas qu’entrer en guerre contre le reste des français soit la meilleure solution.
Parce qu’il y a une chose que j’ai apprise dans ma bataille quotidienne contre les mensonges animalistes depuis plus de trois ans : il y a un gouffre entre les réalités du terrain, le pragmatisme d’une situation pleine de nuances (comme elles le sont toutes), et la communication. D’un côté, c’est le réalisme, et de l’autre la boite dans laquelle ont doit le présenter au public. Et il me semble que chaque décision prise devrait passer d’abord au filtre de la communication. Non pas pour la travestir, mais pour la rendre compréhensible et fidèle à l’esprit qu’on veut lui donner.
Nous faisons face à une horde d’ennemis qui attend un faux pas de notre part. Une horde qui n’hésitera pas à instrumentaliser la moindre situation pour faire reculer la chasse. Communiquer est presque devenu un jeu d’anticipation. Que peuvent-ils détourner ? Quels mensonges vont-ils proférer pour dénaturer les intentions et les retourner à leur avantage ?
Vous l’avez compris, il ne s’agit pas de ne pas faire les choses. Il s’agit d’anticiper la malhonnêteté maladive de nos adversaires et ne leur laisser qu’une surface lisse, sans la moindre aspérité à laquelle ils pourraient s’accrocher pour nous nuire.
Et il me semble que cette grève des sangliers pourrait bien nous revenir dans le groin plus vite qu’on ne le pense.
Faites payer les dégâts de gibier à toutes ces associations anti-chasse, je pense que leur discours ne sera plus le même…
Totalement d’accord avec toi… cette grève, bien que compréhensible dans ses motivations, est une fausse bonne idée.
Dès que l’Etat va devoir faire réguler par d’autres moyens, nos adversaires vont s’en féliciter et sauter sur l’occasion pour justifier la confiscation de la régulation par l’Etat, et l’interdiction pure et simple de la chasse.
Notre boulot, c’est la pédagogie, c’est l’explication encore et encore, sans relâche de ce qu’on fait, pourquoi on le fait et comment on le fait.
On le sait toutes et tous ! Autour de nous, dès qu’on explique notre activité, nos proches jusqu’alors sceptiques comprennent mieux et acceptent mieux ce que l’on fait. Certains veulent même venir voir.
Alors bien sûr, montrer, expliquer, faire preuve de pédagogie c’est plus long, plus fastidieux et parfois décourageant tant le travail de sape de « ceux d’en face » est efficace, il faut bien l’avouer.
Mais ce n’est qu’en élevant le niveau qu’on s’en sortira. Si on s’abaisse à faire comme eux, non seulement on ne vaudra pas mieux qu’eux, mais en plus ça se retournera contre nous.
En fait, j’habite dans les Landes et sur les communes avoisinantes, il y a des battues renard et/ou sanglier chaque weekend…
Bonjour Richard,
Je pense au contraire qu’une grève de la chasse au sanglier pourrait être bénéfique…
mais il faut que celle-ci soit nationale !
et sans compensation par les services de l’état auxquels malheureusement il faudra se confronter : empêchement des tirs de nuit, des piégeages etc. … Ensuite, présentation de la facture aux citoyens via la cour des comptes sur l’impact des dégâts, …
Quitte à frapper, autant frapper fort !
Sinon, effectivement cela pourrait se retourner contre nous.
Est-ce que la chose la plus à craindre ne serait pas de donner le message d’une chasse qui serait prête à utiliser la vie sauvage contre le reste de la société, quitte à renier ses valeurs ?
Comme toi Richard, il me semble que les divers biais de communication de nos adversaires doivent être anticipés avant l’action. La chasse s’honorera toujours davantage par le stoïcisme face aux attaques injustes qu’elle endure que par toute œuvre de pression, surtout lorsque l’animal est employé comme un tiers. La vraie guerre est celle de la communication, et dans cette guerre tout dévoiement de la chasse équivaut à une défaite.
« Les chasseurs ne veulent plus réguler tant qu’on ne les laissera pas flinguer des espèces protégées de manière cruelle »
Je vois déjà les grands titres effectivement.
Votre raisonnement ne tient pas la route… Vous pensez vraiment que la collectivité ne va pas indemniser les dégâts des ongulés par soutien aux chasseurs ? Vous pensez le monde de la chasse solidaire ? Il n’y a qu’à voir les conflits entre chasseurs de petits gibiers type bécasses qui sont accusés de faire fuir les suidés ? Vous pensez que les chasseurs du nord vont soutenir les chasseurs du sud ? Ils sont comme tout le monde, les malheurs des autres, ils en ont que faire tant qu’ils ne sont pas eux même impactés. Et que dire des baux de chasse de nos amis agriculteurs, vous allez pouvoir faire une croix dessus parce que quand ils auront des dégâts, ce n’est pas à l’état qui vont demander des comptes mais aux chasseurs et jusqu’à preuve du contraire ce sont les FDC qui règlent la note et pas l’État. S’il y a des propriétaires terriens qui soutiennent la chasse, ils sont minoritaires et je ne serais pas étonné de voir de grandes propriétés agricoles payer des tireurs pour buter les sangliers. Dès qu’il a une question d’argent, il n’y a plus de solidarité qui tienne. Là où je chasse, de nombreux propriétaires interdisent la chasse aux migrateurs (grives dans mon cas dans les vignobles du Jurançon) mais autorisent celle du sanglier, c’est parce qu’ils n’aiment pas que l’on tire des petits oiseaux ou c’est juste par intérêt? Ils y trouvent juste un intérêt économique en s’évitant des degats mais ne sont pas un soutien à la chasse parce que dans ce cas là, le chasseur n’est qu’une main d’oeuvre gratuite à l’effarouchement des suidés et si poser une clôture était gratuit, cela ferait longtemps qu’il y en aurait et personne dans mon association de chasse trouvé à redire puisque la très grande majorité des chasseurs ne le sont qu’aux grands gibiers. On va même jusqu’à imposer des jours de chasse aux migrateurs dans certaines communes alors que pour le sanglier c’est open bar. Elle est où la solidarité ? Je suis pragmatique et je sais que la chasse s’éteint petit à petit et qu’un jour où l’autre mes fusils ne seront que des souvenirs de mes journées de chasse. Nous avons l’opinion contre nous et même ceux qui ne sont pas opposés à la chasse en auront rien à battre que la chasse soit interdite, après tout pourquoi devraient ils se sentir solidaire pour une activité qu’ils ne pratiquent pas ? J’espère me tromper mais je pense être dans le vrai….les cailloux il faut les mettre dans les chaussures de nos opposants, pas dans les nôtres mais surtout que certains chasseurs arrêtent d’en mettre dans les bottes d’autres parce qu’un jour ou l’autre ils en auront eux aussi et là ils seront bien seuls car la solidarité doit être réciproque.
Bon ok c est peut être a double tranchant, mais c est quoi les autres options? On laisse faire et on râle?
On ne peut pas baser une stratégie sur la minorité active d’antichasse ou animalistes. Ils nous détesteront toujours quel que soit nos actions et seront toujours autant dans la malhonnêteté.
De toute façon la seule action forte c’est la grêve totale de toutes les chasses, puisque c’est l’effondrement d’une économie de plusieurs milliards…là c’est autre chose que les dégâts de sangliers.
Au pire, selon le contexte, et même en restant à l’état de menace, c’est des heures de médias gratuites pour parler de nous.
Complétement d’accord avec toi Richard, je dirais même : « très mauvaise idée »! Tu as oublié une solution radicale pour les abattages, c’est le risque de création de brigades de tireurs payés par l’état, comme en parlait Jean Berton dans son livre : – Chasseurs ou « fonctionnaires de la mort » pour gérer la faune sauvage – et comme ça se passe, par exemple, sur les voies SNCF. Une fois que le pas sera franchi il sera trop tard, comme pour les policiers ces fonctionnaires seront critiqués mais seront finalement acceptés (bien mieux que nous!) comme un mal nécessaire. Ces abattages seraient plus « discrets » que nos tonitruantes battues et passeraient inaperçus aux yeux de l’opinion publique…
Des brigades de tireurs payés par l’Etat :
Sur les voies SNCF, dont l’espace autour est généralement plutôt étroit, il est normal qu’il soit fait appel aux ‘’régulateurs de faune sauvage’’ et peut-être à certains lieutenants de louveterie.
Ces espaces privés le long des voies (bien qu’appartenant à une entreprise publique) sont extrêmement dangereux.
Je ne crois pas du tout que l’Etat puisse avoir l’idée de prendre en charge ce qu’elle appellerait ‘’la régulation du grand gibier sauvage’’. Si les escrolos étaient au pouvoir la tentation pourrait exister, MAIS…
D’abord, il y a environ 1 million de chasseurs actifs, sans parler de ceux qui ont un permis et qui verraient d’un mauvais oeil le fait de priver les chasseurs de pouvoir chasser et prélever les grands ongulés, sangliers, chevreuils, cerfs, selon les plans de chasse définis par les préfets après concertation au sein de la Commission départementale de la chasse.
Et puis ça vote un chasseur et ça peut se faire entendre.
Ensuite, il faudrait pouvoir remplacer les chasseurs sur tout le territoire. Il faudrait tirer au moins 1,5 million de grands gibiers comme actuellement. Ce serait compliqué et cela coûterait bien cher alors qu’aujourd’hui ça ne coûte rien à l’Etat, les chasseurs payant même environ 80 millions d’euros pour l’indemnisation des dégâts causés par la faune sauvage aux agriculteurs.
Bref, je ne crois pas à cette hypothèse.
La SNCF mais pas que, c’est aussi ce qui se passe dans le Canton de Genève depuis des décennies. Enfin Jean Berton en a fait un livre c’est bien que la question se pose. Il envisage cette hypothèse dans un avenir assez proche finalement, vu le déclin rapide des populations de chasseurs… Mais si l’on tend la perche au gouvernement ça peut aller plus vite que prévu…