La chasse aux trophées a mauvaise image dans les pays occidentaux. Et pour cause, dépenser des sommes conséquentes pour s’offrir un safari de chasse au lion ou à l’éléphant nous renvoie l’image désuète de l’homme blanc colonialiste imposant par la violence sa volonté au monde africain. Par Guillaume Calu
Il suffit de se souvenir de la polémique des séjours de chasse à l’éléphant de sa Majesté Juan Carlos au Botswana pour s’en convaincre. Le tumulte de l’affaire avait alors ébranlé la famille royale espagnole et choqué le monde entier.
Sensibles à la condition animale et à la protection des espèces, divers pays ont restreint les importations de trophées de lions et d’éléphants. Aux États-Unis, la loi CECIL limite fortement la chasse aux trophées en Afrique. Des réglementations similaires s’appliquent aussi en Australie, au Pays-Bas et en France. Au Royaume-Uni, une campagne médiatique à l’initiative de plusieurs ONG et personnalités souhaite que le gouvernement propose un projet de loi ambitieux sur la maltraitance animale. Cette campagne cible par la même occasion les safaris de chasse à l’étranger.
la chasse aux trophées peut contribuer à la conservation des écosystèmes africains.
A contresens de l’opinion publique, plusieurs biologistes de la conservation ont récemment publié dans le Guardian une tribune en faveur de la chasse aux trophées. Selon leur expertise, interdire ce tourisme risque d’entraîner un déclin brutal d’animaux sauvages comme le Lion. Ces spécialistes de la conservation des espèces pointent du doigt le risque de braconnage ou d’empoisonnement de la faune sauvage en-dehors des zones protégées comme des parcs de chasse, mais aussi la destruction croissante des habitats naturels. Selon eux, la chasse aux trophées peut contribuer à la conservation des écosystèmes africains. Un point de vue qui ne semble pas convaincre le grand public, et qui mérite en retour quelques explications.
Le Lion est un symbole fort de la faune africaine. Il fait partie des célèbres « Big Five », ces cinq grands mammifères mis en avant pour la promotion des safaris photos ou de chasse au trophée. Mais depuis une trentaine d’années, les populations de ce Félin sont en régression. Alors pourquoi, dans un contexte de vulnérabilité de l’espèce, une partie de la communauté scientifique soutient-elle la chasse à grand fauve ? Parce que lorsqu’elle est bien gérée, la chasse aux trophées permet aussi la conservation de l’espèce. Comment ce paradoxe est-il possible ? Tout simplement grâce à la protection de vastes territoires sauvages, aux superficies parfois supérieures aux parcs nationaux africains. Or si ces territoires sont dévolus à une activité touristique que beaucoup jugeront amorale, les safaris de chasse garantissent aussi un « effet parapluie » en protégeant les territoires sauvages de toute dégradation, et donc de toute perte de biodiversité. Deux effets inattendus, mais positifs, de cette pratique touristique.
Deux effets inattendus, mais positifs, de cette pratique touristique.
La chasse aux trophées n’a pas pour objectif premier la sauvegarde de la biodiversité africaine. En cela, elle ne remplace pas une protection intégrale de la faune sauvage. Mais lorsque sa pratique est efficace et bien gérée, elle peut se montrer complémentaire pour sauvegarder la biodiversité africaine. La chasse gardée protège contre le braconnage et l’empoisonnement des grands Mammifères. Ses impacts sont alors positifs sur les populations de Rhinocéros, Markhors, Argalis et différents Ongulés africains. Lorsqu’elle est intégrée à l’économie des communautés rurales, elle améliore le développement local. Son économie permet ainsi de lutter contre le braconnage de « viande de brousse », seul moyen de subsistance des communautés les plus pauvres, mais également synonyme de dégradation anarchique de la faune sauvage.
Différentes études universitaires se sont penchées sur l’impact de la chasse aux trophées dans la conservation du Lion. Elles soulignent que les résultats peuvent cependant être assez variables d’un pays à l’autre. Mais force est de constater qu’en absence de solution de gestion adaptée, la protection intégrale de l’espèce ne suffit pas forcément. Au Kenya, où la chasse au lion est bannie depuis 1977, les populations de félins sont en déclin. En l’absence de réelle concertation politique avec les communautés rurales, les Lions sont braconnés en raison des conflits générés avec les fermiers locaux. Les services de protection de la faune sauvage kényans estiment qu’au rythme de 100 animaux braconnés par an, le Lion pourrait disparaître du Kenya d’ici une vingtaine d’années.
Dans la majorité des pays où une chasse aux trophées bien gérée est mise en place, les populations de Lion sont à l’inverse stables ou en augmentation. C’est le cas de la Namibie, nation pour laquelle la chasse aux lions est une clé de développement de ses communautés locales. Même constant au Zimbabwe et en Afrique du Sud, où les revenus générés par les parcs privés de chasse incitent forcément à la protection du grand Félin. La situation est cependant plus complexe dans d’autres pays, comme en Tanzanie. Dans cette nation d’Afrique orientale, deux systèmes se côtoient. D’abord une chasse aux trophées dans de vastes territoires, les « Game Reserves » ou réserves de chasse. Leur statut garantit une protection intégrale de la faune sauvage, mais autorise sur certains sites protégés la pratique strictement réglementée de la chasse aux trophées et de la pêche. Certains sites sont ouverts au tourisme cynégétique, d’autres sont uniquement consacrés au safari photo. Mais les communautés locales sont faiblement impliquées dans cette économie, ce qui en retour génère un impact négatif sur les populations de Lions.
La situation tanzanienne démontre que la conservation des écosystèmes africains par la chasse aux trophées nécessite une gestion vertueuse et efficace pour véritablement fonctionner. Mais à l’inverse, le bannissement de la chasse aux trophées ne protège pas pour autant la faune sauvage d’un déclin rapide.
Aussi, à défaut de protections absolues et efficaces des écosystèmes africains, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) stipule clairement que « la chasse aux trophées bien gérée peut – et le fait – contribuer positivement à la conservation et aux moyens de subsistance locaux ».
Gérer de manière durable la biodiversité est aussi une opportunité importante d’autodétermination économique des communautés rurales africaines. La situation tanzanienne montre que le modèle des « Game Reserves » nécessite une implication économique forte des communautés locales pour réussir. C’est une sorte de « New Deal » rural africain visé par de nombreuses politiques nationales. L’UICN souhaite ainsi que les pays occidentaux prennent conscience des liens complexes reliant conservation de la faune sauvage et développement économie durable, nos visions éthiques occidentales ayant tendance à facilement occulter une réalité rurale africaine différente et fort complexe.
Mais recourir à la chasse aux trophées pour assurer la conservation d’espèces emblématiques que le Lion pose tout de même diverses questions éthiques préoccupantes. La remise en question morale du tourisme de chasse peut s’entendre, ainsi que la garantie d’une souffrance animale aussi minime que possible. De plus, la pratique de cette chasse perturbe forcément les écosystèmes naturels, même si son impact est plus minime que du braconnage excessif. En outre, le prélèvement de spécimens motivé par de beaux trophées pourrait altérer la biodiversité phénotypique des populations locales. Cette sélection artificielle peut alors interroger à juste titre les objectifs de conservation du patrimoine génétique des espèces chassées.
Enfin, certains auteurs notent que la répercussion économique sur les communautés rurales reste minime, et qu’elle ne s’améliorera pas tant que les états ne garantiront pas une réelle autodétermination socio-économique locale. Comme rappelé précédemment, la chasse aux trophées ne peut jouer un rôle de protection de la biodiversité africaine que si elle souscrit à un cadre éthique efficace et rigoureux.
La chasse aux trophées n’est peut-être pas le modèle de conservation le plus abouti sur le plan éthique, mais elle a le mérite de soutenir activement les efforts de conservation locaux. Son modèle économique peut répondre aux enjeux de conservation de la biodiversité africaine en finançant la lutte contre le braconnage et la dégradation des écosystèmes. Mais pour que ce modèle socio-économique soit efficace, il doit également garantir une gestion autonome des territoires ruraux et des communautés concernées. Néanmoins, force est de reconnaître que si cette activité touristique s’arrêtait prochainement, la pérennité de la faune africaine ne serait pas pour autant assurée.
Bibliographie
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Ghasemi, B. (2019). Trophy hunting and conservation: Do the major ethical theories converge in opposition to trophy hunting ? People & Nature, 2021, 3, p. 77-87.
Hart, A.; Challender, D.. Cotterill, A.; Dickman, A. Regulated trophy hunting aids wildfire conservation. The Guardian, 7 avril 2022.
Muposhi, V.; Gandiwa, E.; Bartels, P.; Makuza, S. M. (2016). Trophy hunting, conservation, and rural development in Zimbabwe : issues, options and implications. International Journal of Biodiversity, 2016, 16p.
Nelson, F.; Lindsey, P.; Balme, G. (2013). Trophy hunting and lion conservation : a question of governance ? Oryx, 47(4), p. 501-509.
Le Salon de la Chasse et de la Faune Sauvage 2023
Le Salon de la Chasse et de la Faune Sauvage de Rambouillet, qui aura lieu sur l’île Aumône, située en plein milieu de la Seine à Mantes la Jolie est connu comme le salon de chasse couvert le plus grand. Des exposants venus du monde entier se rassemblent pour présenter et démontrer les dernières nouvelles de l’industrie de la chasse en plein air couvrant autant des fusils de chasse que les vêtements à un public qualifié et intéressé. L’événement est une plate-forme de communication et information pour tous les chasseurs et les amateurs offrant d’excellentes occasions pour établir des nouveaux contacts.