Le louvetier qui élève des sangliers

Chasse Actu
date 07 avril 2025
author Léa Massey

Destitué pour avoir élevé des sangliers et semé la discorde chez les chasseurs, un lieutenant de louveterie voit sa révocation confirmée par la justice.

Le tribunal administratif d’Orléans a tranché : un ancien lieutenant de louveterie d’Indre-et-Loire, démis de ses fonctions à mi-mandat par la préfecture, ne retrouvera pas son poste. En cause ? Des manquements à ses devoirs, des tensions avec les chasseurs du secteur… et surtout, un élevage de jeunes sangliers.

Le dossier est aussi épineux qu’édifiant. Nommé en décembre 2019 pour une mission courant jusqu’en 2024, ce bénévole assermenté, censé organiser les battues administratives et participer à la régulation des espèces causant des dégâts, a vu son mandat abrégé dès décembre 2021. Motif : comportement jugé incompatible avec ses fonctions, manquement au devoir de probité, conflits avec les autres louvetiers et les chasseurs locaux, et – cerise sur le cochon – présence d’un enclos accueillant plusieurs jeunes suidés sur son terrain.

Un louvetier particulier

Selon les juges, les faits sont clairs : en octobre 2021, lors d’un contrôle sur place, les services de l’État ont constaté un agrainage non autorisé ainsi que l’élevage de trois jeunes sangliers dans un enclos hermétique. Pour un lieutenant censé faire appliquer la réglementation cynégétique, l’ironie est amère. D’autant que l’intéressé n’a jamais nié l’existence de ces mauvaises relations avec les chasseurs du secteur, ni le fait d’avoir refusé toute tentative d’apaisement avec l’association des lieutenants de louveterie.

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La préfecture, de son côté, a dressé un tableau sévère : participation à une battue sans gilet fluorescent, comportement à risque lors d’un tir, attitude dilettante lorsqu’un chasseur lui fait une remarque de sécurité. De quoi faire tiquer, dans un contexte où l’encadrement des battues fait l’objet de toutes les attentions.

Quand la fonction exige plus que la compétence technique

Ce que rappelle cette affaire, c’est que la louveterie ne se limite pas à porter un brassard et organiser des battues de régulation. C’est une fonction d’autorité, adossée à l’État, exigeant une neutralité, un sens du dialogue, une exemplarité. La charte des lieutenants de louveterie est claire : ils s’engagent à entretenir de bonnes relations avec les chasseurs et le monde rural. Ce n’est pas un vœu pieux, mais une condition sine qua non de leur efficacité sur le terrain.

Dans ce cas, le tribunal souligne que les organisations de chasse du département – y compris la Fédération départementale – ont réclamé sa destitution. On ne parle pas d’un simple différent entre collègues, mais d’un rejet collectif, lié à des tensions chroniques et à des écarts répétés.

Il n’y a pas de « petit manquement » lorsqu’on exerce une fonction publique, même bénévole, et surtout lorsqu’elle touche à un sujet aussi sensible que la régulation de la faune sauvage. À l’heure où la chasse est scrutée de toutes parts, où la légitimité des lieutenants de louveterie est parfois remise en cause, l’exemplarité est une arme aussi essentielle que le fusil.

Cette affaire en est l’illustration brutale. Et elle rappelle à tous les lieutenants de France qu’ils ne sont pas seulement des chasseurs assermentés, mais des représentants de l’État – et, à ce titre, attendus au tournant.

Et à ceux qui s’apprêtent à brandir ce cas comme la preuve d’un prétendu “système” où les chasseurs élèveraient les sangliers pour mieux les tirer ensuite, rappelons une chose simple : cet homme a été destitué. Par l’État. Avec le soutien explicite des autres chasseurs du département. Loin de couvrir une dérive, le monde cynégétique local l’a signalée, condamnée, et écartée. Il ne s’agit donc pas d’un dysfonctionnement du système… mais de son bon fonctionnement.

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1 Commentaire :
  1. serge
    07/04/25

    Le lieutenant doit respecter les règlements, autrement… il est dépositaire d’une autorité qui s’applique à lui également. Ne donnons pas d’eau au moulin de nos détracteurs.

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