« Cojones » et grosses défenses, en avoir ou pas ?

Chasse Actu
date 28 décembre 2021
author Richard sur Terre

Chez les sangliers espagnols du parc national de Monfrägue, les sujets les mieux armés, sont les plus gros, les reproducteurs dominants, mais ils sont aussi, en termes de maladies, les plus…contaminants.

Texte : Jullien Jean-Michel / Photos : Pedro Fernandez-Llario

Cent trois sangliers mâles analysés

Un biologiste espagnol (laboratoire INGULADOS de Càceres) et un étudiant chinois du CNRS (Agro Paris Tech) ont mené une étude sur la taille des défenses de 103 sangliers mâles, prélevés à la chasse entre octobre et février 2001, 2002 et 2003, en zone périphérique du Parc National de Monfragüe, au centre ouest de l’Espagne. Des analyses de tableaux de chasse ont permis aux chercheurs de calculer une densité de sangliers pour chaque lot chassé, en rapportant leur superficie au nombre d’animaux prélevés.

Les biologistes considèrent que les sangliers prélevés dans des secteurs à haute densité sont plus « exposés » à la compétition entre individus de l’espèce que ceux qui vivent dans des zones moins peuplées. Pour cette étude, ils n’ont donc pris en compte que les animaux prélevés dans des secteurs de chasse où pression cynégétique et densité de sangliers étaient comparables. Les objectifs de ces travaux de recherche étaient de vérifier (1) si la taille des canines dépendait de la condition physique des sangliers, et (2) si les dimensions des défenses étaient un indicateur fiable de leur état de santé. Des corrélations entre la largeur des défenses, le volume du corps, la compétition interspécifique (sangliers / bétail), la densité de la population sanglier et le peuplement forestier ont été recherchés.

SANGLIER MÂLE DANS UNE FUTAIE DE CHÊNES (EXTREMADURA, ESPAGNE)

Les relations entre la largeur des canines à la base, la taille relative de la rate, les titres en anticorps contre le virus de l’herpès qui provoque la maladie d’Aujeszky et les recherches de lésions macroscopiques dues à la tuberculose bovine ont permis de tester la seconde hypothèse.

Largeur des défenses, mesure de base

Pour chaque sanglier abattu, les paramètres suivants ont été enregistrés: sexe, âge, longueur du corps (sans queue), hauteur au garrot, périmètre de la cage thoracique, poids de la rate et largeur des canines à leur base. Cette dernière mesure a été préférée à celle de la longueur des défenses souvent affectée par les combats entre mâles. La rate est un organe de défense immunitaire comprenant une partie du tissu lymphoïde périphérique (Arvy, 1965 ; John, 1994). Dans cet article les auteurs considèrent qu’une rate de gros volume procure de meilleures défenses immunitaires qu’un organe plus petit. Les rates ont été disséquées et pesées sur une balance de précision, en laboratoire. Le volume, ou taille du sanglier, a été calculé en multipliant la valeur au carré du périmètre de la cage thoracique par la longueur du corps. Des analyses sérologiques d’échantillons sanguins prélevés sur les sangliers tirés, ont permis de vérifier si les animaux avaient contracté la maladie d’Aujesky. De plus, des lésions dues à la tuberculose bovine ont été systématiquement recherchées par inspection des parois thoraciques des sangliers prélevés.

Défenses et conditions environnementales

Les défenses des mâles sont plus larges à leur base dans les secteurs de chasse à faible densité de sanglier. Il en est de même sur les territoires couverts de forêts de chêne, où la production de glands dans ces zones méditerranéennes est régulière et abondante. Par contre, la présence de bétail qui semblait pouvoir concurrencer les sangliers sur le plan alimentaire aurait que peu d’influence sur la taille des défenses des mâles.

Larges défenses + grosse rates = mauvais état sanitaire !

La largeur des canines des mâles augmente significativement avec le volume du corps et l’âge des sangliers. Les mâles les plus grands et en meilleure condition physique (ce qui se traduit par un volume corporel important) ont des canines plus larges. En présence de bétail, de forte densité de population de sangliers et quand les forêts sont de qualité médiocre cette corrélation n’est pas vérifiée.

La largeur des canines est corrélée à la taille de la rate et à une prévalence plus élevée de la maladie d’Aujeszky et de la tuberculose. Cela signifie que les sangliers avec les canines les plus larges à leur base ont des rates plus grosses que les autres mâles et ont plus contracté de maladies : ils sont en moins bon état sanitaire. Les scientifiques pensent que les sangliers sont prélevés en période de rut et qu’il faudrait tester si les mâles aux larges défenses présentent des taux de testostérone (hormone de la reproduction) supérieurs à ceux moins bien « armés ». En effet, cette hormone, à taux élevé, pourrait engendrer une immunodépression, autrement dit rendre moins efficaces les moyens de luttes contre les maladies.

Se reproduire sans contaminer ?

Les canines chez le sanglier, ou défenses, sont des dents très sollicitées lors des conflits entre mâles et de nombreuses études ont établi, chez d’autres espèces, une étroite relation entre les caractères sexuels secondaires (cas des défenses) et le parasitisme par exemple. Les auteurs de l’article ont analysé de nombreuses données pour vérifier si la taille des canines de sangliers prélevés dans plusieurs zones d’étude d’Estrémadure, en Espagne, était liée à la condition physique des mâles et (ou) à leur état sanitaire. Leurs résultats montrent que les mâles les plus corpulents ont des canines plus larges à leur base que les sangliers plus malingres. La taille des canines est aussi plus grande chez les mâles prélevés dans les zones sans bétail, à faible densité de population de suidés et couvertes d’une riche forêt de chêne vert. Ces résultats concordent avec les prédictions relatives aux caractères sexuels secondaires qui dépendraient de la condition physique des animaux.

De plus, les sangliers à grosses défenses ont une rate de taille plus importante, une prévalence plus élevée de la maladie d’Aujeszky et des lésions macroscopiques compatibles avec la tuberculose bovine plus fréquentes que les mâles avec des canines relativement petites. Ainsi, les mâles les mieux armés et donc probablement dominants, qui ont un accès plus aisé aux femelles, sont en moins bon état sanitaire que ceux avec de canines plus petites.

Ainsi, les mâles les mieux armés et donc probablement dominants, qui ont un accès plus aisé aux femelles, sont en moins bon état sanitaire que ceux avec de canines plus petites.

Les virus responsables de la maladie d’Aujeszky et de la tuberculose bovine se transmettent facilement par contact direct ou lors de la reproduction. Les mâles avec de grosses défenses, les plus puissants et susceptibles d’avoir plus d’opportunités de s’accoupler sont donc également plus souvent à l’origine d’une transmission d’infections aux laies. Et, comble d’ironie, ont peut penser que les femelles infectées contaminent aussi les mâles reproducteurs lors du rut.

Les humains mâles français pour signifier qu’ils se désintéressent d’un sujet ou d’une situation les concernant, utilisent souvent l’expression triviale « s’en battre les… » ! Gageons que les sangliers mâles espagnols suite à des saillies « contaminantes » pensent plutôt à se les mordre…les cojones bien sûr !

Sachons chasser en sachant !

La maladie d’Aujesky ou Pseudo Rage est due à un virus de la famille des Herpesvirus. Il peut résister plusieurs semaines dans le milieu naturel, supporte la congélation de la venaison, mais est neutralisé par sa cuisson. Il est excrété dans la salive, les écoulements nasaux, l’urine, le sperme ou le lait.

Les voies de contamination chez le sanglier sont donc les saillies, l’allaitement et les contacts directs. Infectés, ils restent porteurs du virus toute leur vie. Les symptômes observés sont très variables, allant de problèmes respiratoires ténus à graves, aux troubles neurologiques ou reproductifs qui dépendent donc du système atteint (respiratoire, nerveux ou reproducteur) mais aussi de l’âge des individus infectés. Le taux de mortalité est variable : de 100% chez les marcassins de moins de 2 semaines à moins de 2% chez les adultes.

A propos de la tuberculose bovine

Dans son ouvrage « Surveillance sanitaire de la Faune sauvage », le Docteur vétérinaire Philippe Gibert apporte les informations suivantes sur la tuberculose bovine :

La maladie est due à une bactérie qui peut infecter des ruminants sauvages et domestiques mais aussi des sangliers, blaireaux ou renards.
Elle a été éradiquée des élevages bovins français au début des années 2000 grâce à une prophylaxie drastique.
En 2001 cependant, des cerfs prélevés à la chasse dans la forêt de Brotonne en Seine-Maritime étaient infectés et présentaient des symptômes de la maladie.
La plupart du temps des traces de la maladie sont découvertes à l’examen des carcasses, à l’abattoir ou au tableau de chasse (lésions sur la paroi thoracique).
Bien que la contamination de la faune sauvage soit, à l’origine due aux bovins, les espèces sauvages peuvent être « des réservoirs » de la maladie.

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