Mon grand cerf

Les plumes de Richard
date 06 décembre 2022
author Richard sur Terre

Texte : Richard sur Terre

Bon les amis, ce soir je suis fatigué. J’ai bien fait le tour de Twitter, j’ai consulté mes alertes « chasse » de Google et autres sorties animalistes débiles ; j’ai bien tout fait comme il faut. J’ai ma dose d’abrutissement pour la journée.

Le nez dans la fange propagandiste de nos opposants toute la sainte journée, trop souvent ahuri par leur méconnaissance de ce qu’ils dénoncent ; trop souvent navré par leur amour du cherry-picking ; par les insuffisances de notre presse qui leur sert une vieille soupe périmée, mais tous les jours. Voilà. Je fais grève. J’ai fermé internet, j’ai fermé la boutique.

Je vais plutôt vous raconter une histoire de chasse. Une des histoires qui me sont arrivées.

C’était il y a quelques années. J’habitais alors un petit village de Gironde. La forêt s’étalait alentour sur quelques milliers d’hectares vierges de tout activiste aux cheveux bleus. J’étais bien éloigné à l’époque de mes luttes d’aujourd’hui, et le bruit des bottes ne m’était pas encore parvenu (à vrai dire, je n’ai jamais bien goûté la formule « réseaux sociaux »).

C’était un soir d’Automne, et j’avais décidé de me poster à l’affût dans un arbre, au cas où un sanglier aurait la bonne idée de passer par-là (vous vous doutez que je ne me suis pas collé là par hasard).

Pour ceux qui ne le savent pas, le chasseur à l’arc, quand l’envie lui en prend, se poste sur une plate-forme auto-grimpante à quelques mètres du sol pour guetter ses proies. Jamais je n’ai pu observer autant d’animaux que dissimulé de la sorte. Martres, renards, rapaces, belettes, lièvres et autres petits habitants discrets qui ne pointent le bout de leurs pattes qu’après la dissipation de l’odeur que j’imagine nauséabonde d’Homo Sapiens. Si pour certains, le temps peut sembler long, c’est pour moi ce qui se rapproche sans doute le plus de ce que d’autres appellent « méditation ». Le calme. Le moindre craquement qui fait tourner la tête. Le bonheur.

J’étais là, donc, posé dans mon arbre en lisière, près d’une clairière aux allures de pré à chevaux. Il était encore tôt, et mes sens n’étaient pas encore affutés comme aux derniers soupirs du jour (je devais encore gigoter à la recherche d’une position plus confortable ou essayer de casser la branchette que j’imaginais gênante pour le tir). Quand soudain, me faisant sursauter comme un greffier, un brame surpuissant emplit mon espace. Long. Très long. Et puis des bruits de branches, et puis il était là. A quelques mètres. Magnifique. Grandiose. Le nez fumant comme un sapeur, et l’œil un peu tordu par les hormones. Il a levé la tête, humant très fort, et il est reparti de plus belle dans un brame tonitruant. Cette fois en parcourant les derniers mètres qui le séparaient de mon pin tordu. Frissons. Cœur en bandoulière prêt à exploser. Bonheur. Mais attendez, parce que c’est pas fini : il s’est mis à frotter MON pin de ses bois magnifiques. Je ressentais les vibrations jusque dans mes cuisses. Enfin je crois. J’étais pas bien concentré sur mes cuisses (Le cerf Elaphe frotte ses bois contre les arbres (frottis), lors de la chute des velours, et pendant le brame).

J’étais privilégié. Seul au monde. Et parfaitement heureux. Il me semble aujourd’hui que le haut de sa ramure n’était qu’à quelques centimètres de ma plate-forme. Mais allez savoir, quand vous tentez de raconter un moment aussi fort émotionnellement, si vous n’avez pas complètement réécrit la scène avec les yeux de l’amour. Et après tout on s’en fout. C’était mon moment, et je vous l’envoie comme il me reste. Avec tous les frissons qui me parcourent encore à son évocation.

Bien entendu, je n’ai pas même levé mon arc. D’abord parce que je n’avais pas de bracelet, et ensuite parce que je n’y ai même pas pensé.

C’est un instant qui a duré quelques minutes. Peut-être trois, avant que je ne le voie disparaitre dans la végétation. Mais ce dont je me souviens avec précision, c’est que ma chasse était terminée. J’ai attendu quelques instants, et je suis descendu. Que pouvait-il m’arriver de plus ?

Ce moment de chasse est gravé à jamais. Et il m’arrive parfois d’y penser. C’est comme un trésor.

EDIT : Retour au réel. Je viens de me faire traiter d’assassin alcoolique sur Messenger. Mais je m’en fous. Moi ça va. En revanche, la personne qui croit me faire du mal, je m’inquiète un peu pour son équilibre. Bouerf…on ne peut pas tous être heureux je suppose…

 

 

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3 Commentaires :
  1. Mercier Lionel
    06/12/22

    Quelle abnégation ! L’histoire est belle( la tienne et le cerf) pas les débilitos des réseaux. Courage Richard et heureusement qu’il nous reste ces moments magiques même sans faire usage de notre arme…cela est une autre histoire que certains puissent comprendre….

  2. Trupy
    07/12/22

    Quel bonheur ce doit être de vivre un moment pareil. T’a grève est la bienvenue,je n’en peux plus non plus de tous ces mensonges et de tous ces pseudo écolo. Merci pour cette magnifique histoire Richard,c’est un bonheur que nous seul savoir apprécier. Bonne continuation et merci pour ton travail.

  3. LEVADE Hugues
    08/12/22

    Bonjour Richard,
    On 1’impression d’y être!
    Digne de Raboliot de Maurice Genevoix.
    Bonne continuation.

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