Samedi matin, quand d’autres cherchaient une place où garer leur carrosse dans quelque parking bondé de zone industrielle, j’étais dans les prés de Camargue, perché à l’arrière d’un pick-up et fouetté par un vent glacial.
Texte : Richard sur Terre
Passeur d’histoires
Je bringuebalais au milieu des taureaux et de mes amis, qui eux, juchés sur de petits chevaux blancs, tentaient de séparer quelques bêtes du troupeau pour les mener dans le pré des cocardiers (ces taureaux sportifs qui courent dans les arènes de la région et qui font hurler les foules).
A côté de moi, assis au fond du coffre, se tenait Albert, 87 ans. Son visage chiffonné par les ans était percé de grands yeux bleus rougis par le vent, et il était curieux de savoir qui j’étais. Il m’écoutait attentivement, me relançait de questions précises, et hochait parfois la tête d’un air entendu.
Puis ce fut à son tour de parler. Sa vie. La Camargue. Les prés, les taureaux, les chevaux et les copains. Et quand il en vint à égrainer ses souvenirs, un sourire franc lui ouvrit le visage en deux. Un sourire qui ne le quitta plus, bientôt accompagné de quelques larmes qu’il essuya d’un revers de manche sans être gêné le moins du monde. Il me récita même en patois un poème écrit par Fernand Granon, un des pionniers de la petite Camargue. Et moi je souriais. D’un sourire de vrai bonheur qui l’encouragea longtemps. Du coin de l’œil, je voyais Sébastien, le gardian, qui tentait de récupérer un biou qui avait sauté la clôture. Et à cet instant précis, je ne voulais être nulle-part ailleurs au monde.
Je me suis interrogé ensuite. Pourquoi est-ce que j’aime tant ces papés et leurs histoires ? Pourquoi suis-je autant touché par les récits des anciens ? Je pense avoir trouvé la réponse : j’aime qu’on me parle de mon histoire. Cette histoire de mon espèce. Cette minuscule histoire d’un bout de terre posé dans le sud de la France, là où je ne suis même pas né. Mais qu’importe ! Je m’enracine. Je plante mes deux pieds dans une histoire humaine dont j’ai la chance d’être le passeur.
Je ne peux pas savoir où aller si je ne sais pas d’où je viens. Et c’est là que prend tout le sens de mon combat.
Face à des hordes de progressistes qui voudraient tuer notre récit commun, j’entre en résistance. On ne construit pas une nation sur des cendres, mais sur les fondations solides de son histoire. De grands mots peut-être. Je m‘en cague, comme on dit par ici. J’ai besoin d’entendre les histoires, et d’encore les vivre.
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Magnifique, et pourtant tellement commun pour qui sait prendre 5 minutes à discuter avec ceux qui on en tête l’histoire de nos racines.
Histoire que l’on ne retrouve pas sur les RS mais dans la transmission oral au contact de nos aînés.
Merci a toi, de partager sur un support moderne cette tranche de vie !