Le magazine en ligne GEO ADO, pour lancer un débat putaclic, pose des questions orientées sur la chasse. Analyse de (sous) texte.
Dans une époque où les adolescents sont confrontés à une surabondance d’informations souvent orientées, il est plus que jamais crucial de préserver leur capacité à se forger une opinion libre et éclairée. Malheureusement, la publication de GEOADO consacrée à la chasse semble s’inscrire dans une tendance inquiétante, celle de la manipulation subtile des jeunes esprits par le biais d’une formulation biaisée des questions.
Tout d’abord, le texte, que vous pouvez retrouver ici :
« Les vacances sont finies pour les humains et… pour les animaux sauvages de nos campagnes, puisque la chasse reprend en ce mois de septembre. La France compte environ 1,1 million de personnes détentrices d’une licence de chasse (c’est moins que pour la licence de foot, mais plus que pour la licence de tennis). Ce nombre a tout de même été divisé par 2 en une quarantaine d’années, et la plupart des personnes qui pratiquent cette activité ont plus de 50 ans. Pourtant, il existe aussi des ados de plus de 15 ans qui chassent, et d’autres encore plus jeunes qui accompagnent des membres de leur famille… Et toi, qu’en penses-tu ? Trouves-tu acceptable de tuer des animaux pour le plaisir à notre époque ? Penses-tu que les chasseurs sont utiles pour la nature, comme ils l’affirment ? Ou bien considères-tu que cette pratique devrait être interdite ? Donne ton avis ci-dessous !«
GEOADO le 02 septembre 2024
Sous couvert de solliciter l’avis des adolescents sur un sujet aussi sensible que la chasse, l’article oriente habilement la réflexion en posant des questions qui n’offrent guère de place à une véritable neutralité. Dès le début, le texte énonce que « la chasse reprend en ce mois de septembre, » ce qui est factuel, mais la suite de la phrase, « les vacances sont finies pour les humains et… pour les animaux sauvages de nos campagnes, » fait déjà peser un jugement implicite. En plaçant sur un pied d’égalité la fin des vacances humaines et la reprise de la chasse, l’article suggère que cette activité représente une menace pour la faune, plutôt qu’une pratique réglementée et historiquement enracinée.
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Le choix des mots et la manière de présenter les faits laissent transparaître une intention implicite de dissuader toute réponse favorable à la chasse. Prenons l’exemple de la question suivante : « Trouves-tu acceptable de tuer des animaux pour le plaisir à notre époque ? » Le terme « plaisir » est ici choisi avec une lourdeur qui frôle la caricature. En associant la chasse exclusivement à une forme de jouissance sadique, l’article ignore délibérément les arguments qui la voient comme une activité de gestion des populations animales et/ou une tradition culturelle. La formulation « à notre époque » renforce cette vision en suggérant que la chasse est une pratique archaïque, inadaptée aux valeurs contemporaines.
En précisant que le nombre de chasseurs a « été divisé par 2 en une quarantaine d’années, » l’article s’attarde sur le déclin de cette pratique sans en explorer les causes profondes ni les contextes régionaux variés. Ce type de comparaison sert à relativiser l’importance de la chasse en la réduisant à une activité marginale, presque obsolète, ce qui influence insidieusement l’opinion des jeunes lecteurs.
L’article enchaîne avec une autre question orientée : « Penses-tu que les chasseurs sont utiles pour la nature, comme ils l’affirment ? » Cette formulation suggère que l’utilité des chasseurs pour l’environnement est un simple argument de défense avancé par les intéressés, et non une réalité potentielle. Cette manière de poser la question incite les adolescents à douter de la légitimité des chasseurs avant même d’avoir pu examiner les faits ou d’entendre des arguments en leur faveur. De surcroît, en ajoutant « comme ils l’affirment », l’article sous-entend que cette utilité est une justification douteuse, fragilisant ainsi toute défense en faveur de la chasse.
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Enfin, la dernière question, « Ou bien considères-tu que cette pratique devrait être interdite ? » pousse les lecteurs vers une conclusion extrême en la présentant comme une option tout aussi valable que les autres. En proposant l’interdiction pure et simple de la chasse comme une réponse possible, l’article incite les jeunes lecteurs à considérer cette solution radicale comme raisonnable, sans les encourager à explorer des alternatives moins manichéennes.
Au-delà de l’aspect idéologique, il ne faut pas être dupe : le sujet clivant de la chasse est aussi un moyen pour la publication de faire le plein de clics. En jouant sur la corde sensible et en suscitant des réactions fortes, GEOADO s’assure un engagement maximal de la part de son jeune public, parfois au détriment d’un débat serein et constructif. Cette stratégie, bien que rentable sur le plan du trafic en ligne, soulève des questions éthiques quant à l’exploitation des polémiques pour accroître l’audience, surtout lorsqu’il s’agit d’un public aussi impressionnable que celui des adolescents.
Ce type de démarche pose une question essentielle : quel est le rôle d’une publication destinée aux adolescents ? Est-ce d’inciter ces derniers à adhérer à une vision prédéterminée du monde, ou bien de leur offrir les outils nécessaires pour qu’ils puissent, en toute indépendance, se forger leur propre opinion ? Le défi des médias de demain, et particulièrement ceux qui s’adressent aux plus jeunes, est de ne pas céder à la tentation du discours simpliste et partial. Car, plus que jamais, la formation d’un esprit critique doit être au cœur de l’éducation de nos adolescents, et non l’adhésion forcée à une doxa environnementale qui ne tolère guère la contradiction.
A voir en vidéo :
En voyant cet article, je suis allé direct sur GéoAdo poser un petit commentaire (très poli) à l’auteur.
Bizarrement mon commentaire n’a pas été publié !??!?
Encore un magazine militant qui n’aime pas la contradiction.
Je viens de leur envoyer le commentaire suivant: bonjour je viens d’apprendre que dans votre publication géoado vous faite un sondage orienté contre la chasse. J’ai lu vos question c’est d’une intolérance totale concernant le le pouvoir de réflexion et de pensé de vos lecteurs. Je suis abonné depuis plusieurs années à GEO mais si votre direction prends cette orientation sans laisser à quiconque d’exposer des contres arguments, je résilie celui ci. De plus je vous précise que les chasseurs son les premiers écologistes de france. On verra s’ils me répondent
Ce qui est intéressant, c’est de voir les commentaires des ados qui sont dans l’ensemble plus nuancés que ne l’est l’article.
par exemple :
le 1er commentaire : « Je pense que c’est acceptable de tuer les animaux si on les mange. Tuer juste pour tuer n’est pas OK. »
le 4ème commentaire : « La chasse c’est bien mais il ne faut pas en abuser. Par exemple pêcher, faire une vidéo en disant qu’on a eu une belle prise et le « relâcher »alors qu’il est mort… Non cela n’est pas possible »
le 7ème commentaire (est très sympathique, il montre plus une incompréhension, sans jugement) : »Personnellement je suis contre la chasse ce n’est pas méchant pour ceux qui la pratique mais tué des animaux pour le plaisir, je ne comprends pas ! Encore pour se nourrir, je ne suis pas végétarienne et je trouve ça normal de manger de la viande mais la chasse je ne comprends pas ! »
le 10ème commentaire : « Pour moi, la chasse n’est pas forcément une bonne chose, mais si on voit le côté positif c’est avantageux. On ne peut pas arrêter de chasser car on a besoin de viande pour vivre mais il ne faut pas non plus chasser les animaux en voit de disparition »
Le 11ème commentaire (le plus positif) : « Personnellement, je connais plusieurs personnes qui pratiquent cette activité, dont mon père. J’adore la chasse😁 , j’accompagne parfois mon père, et je ne trouve pas que les chasseurs » sont des fous dangereux qui ne pensent qu’à tuer des pauvres bêtes qui seraient mieux à courir dans les forêts » ! Certes, ils tuent des animaux, et je peux comprendre que cela choquent des personnes. Mais, cela dit, il faut aussi réguler les espèces animales ! La chasse a des règles très strictes, on ne peut tuer tout et n’importe quoi ! De plus, les chasseurs connaissent des tas de choses sur la forêt, les animaux, peuvent reconnaitre des empreintes… Je pense que la chasse ne devrait pas être interdite »
– le 19ème commentaire : « Alors moi, j’ai dans ma famille des cousins éloignés qui chassent, dont un qui à mon âge (15 ans). Je suis allé les voir une fois avec mes parents et on est vraiment très, très différents, mais ils sont sympas. J’ai été impressionné de voir à quel point il connaissent bien la forêt et les animaux. De leur point de vue, ils sont écolos puisqu’ils « régulent » des espèces qui pourraient devenir trop importantes dans la région et nuire à d’autres. Après, tous les chasseurs sont sans doute pas comme eux. Bref, c’est un sujet compliqué, je ne pense pas qu’il faudrait interdire la chasse, mais je crois qu’il faut réguler et surveiller. »
etc…
Si l’article est partisan, on voit bien que les ados qui le lisent sont plus mesurés (pas tous, certes)