S’il y a bien un sujet qui fait hurler les anti-chasse, c’est bien celui-là. Imaginez un homme blanc pété de thunes qui se rend en Afrique australe pour buter des girafes. Toutes les conditions sont réunies pour un lynchage médiaque. Mais est-ce que cette chasse aux trophées ne possèderait pas quelque vertu inconnue du perpétuel indigné ?
Vous n’êtes pas sans savoir que le Royaume Uni vient d’interdire la chasse aux trophées. Le fameux Trophy Ban. Et à première vue, quand on regarde les choses « vite fait », on a du mal à trouver que c’est une mauvaise nouvelle. C’est vrai…prendre l’avion c’est déjà plus très sexy, mais si en plus c’est pour aller flinguer la faune sauvage à des dizaines de milliers de kilomètres de chez soi, ça devient dur à défendre.
Mais (et comme d’habitude), il se trouve que les choses sont un poil plus nuancées dès qu’on prend la peine de s’y attarder.
Le site Fair Planet ouvre son article sur le sujet de cette façon : « Les pays d’Afrique australe mettent en garde contre les répercussions qu’une telle interdiction pourrait avoir sur les communautés locales vivant à proximité des animaux sauvages. »
Ah bah oui…on n’y avait pas pensé dis-donc…c’est vrai, que pèsent quelques villageois face à la vie d’un phacochère ? Une véritable économie de subsistance s’est créée au contact des riches occidentaux prêts à payer des fortunes pour ramener un trophée chez eux.
“La plupart des revenus de la chasse au trophée proviennent de chasseurs professionnels internationaux. C’est cet argent qui est réinvesti dans des activités génératrices de revenus par l’intermédiaire de fonds communautaires”
Mais ce n’est pas tout. Au-delà de l’aspect économique, il y aussi des intérêts en termes de biodiversité. Les « propriétaires » des droits de chasse, voyagistes occidentaux pour la plupart, réinvestissent des fortunes pour la conservation des espèces présentes sur leur territoire, gage d’attractivité et de réussite pour leurs clients : patrouilles effectuées par des membres de la communauté, programmes de protection des animaux et érection de clôtures à l’épreuve des éléphants afin de réduire les incidences des conflits entre les humains et la faune sauvage.
« Lorsque les communautés bénéficient des revenus tirés de la chasse au trophée, défend monsieur Simasiku, directeur exécutif de NCONGO, une ONG travaillant avec les communautés du Botswana sur les questions de gestion des ressources naturelles et de conservation de l’environnement pour le développement durable, elles se sentent “propriétaires” de ces animaux et jouent donc un rôle actif dans les activités de lutte contre le braconnage, notamment en alertant les gardes forestiers. »
Mais ce que ne sont pas capables d’anticiper les amis des animaux, toujours prompts à verser la larmichette devant une girafe morte, c’est que ces pays cherchent à se tourner vers d’autres acteurs, et en particulier à l’est :
Christopher Brown, directeur de la Chambre namibienne de l’environnement (NCE), a recommandé de « commencer à regarder vers l’est pour développer nos économies basées sur la faune sauvage, qui comprennent la viande de gibier, la chasse au trophée et un commerce réglementé de la corne de rhinocéros et de l’ivoire ».
Face à nos atermoiements occidentaux qui flinguent toute idée de pragmatisme, les chinois devraient prendre le relai et commencer par ne plus rien avoir à cirer de la conservation des biotopes locaux. Mais je suppose qu’on s’en carre, bien au chaud derrière son clavier à signer la pétition de plus qui devrait témoigner de la grandeur de son amour du « bien » ultime de son petit cœur tout mou.
Monsieur Brown pense que la Namibie et l’Afrique australe devraient également « continuer à faire pression au Royaume-Uni, aux États-Unis et dans l’Union européenne, pour essayer d’amener les politiciens rationnels et ouverts d’esprit à comprendre à quel point la conservation dans nos pays se porte bien ».
Bon courage.
Tinashe Farawo, porte-parole de l’autorité zimbabwéenne chargée de la protection de la faune et de la flore, a déclaré qu’une telle interdiction risquait d’avoir de nombreuses répercussions négatives involontaires, qui, selon lui, « doivent être analysées en consultant davantage les communautés concernées. »
Il poursuit : La suppression des mesures incitant les communautés et le secteur privé à coexister avec la faune sauvage, à la promouvoir et à la conserver, en particulier les espèces telles que l’éléphant et le lion, entraîne généralement des représailles de la part des victimes de conflits entre les humains et la faune sauvage”.
Il ajoute : « Sans les avantages substantiels qu’ils tirent actuellement de la chasse sportive durable, ces gens risquent de devenir des braconniers – puisque la pratique légale est supprimée, ce qui les prive de toute autre option de subsistance durable pouvant générer autant de revenus que la chasse ».
Est-ce que ces arguments ont de quoi faire trembler l’anti-chasse primaire ? Est-ce qu’une fois ses larmes séchées, il aura quelque pensée pour le zimbabwéen qui ne peut plus nourrir sa famille ? Non bien sûr. Il devrait nous annoncer très vite « qu’il doit bien exister d’autres solutions ». Bien entendu. Et en les attendant, on sera les témoins d’un braconnage sauvage qui alimentera les filières illégales. On avance dans la conservation.
Bon face à ces réalités de terrain, il semble que les anglais aient amendé leur texte afin de le rendre plus « souple ». Comme d’habitude quoi. On s’émeut, on légifère, et on se rend compte plus tard qu’on a peut-être fait une connerie.
Mais figurez-vous qu’il existe des militants en Afrique australe qui veulent attraper les politiques britanniques par la pointe des oreilles, et leur coller les miches dans un avion pour (je cite) « qu’ils prennent connaissance des stratégies de conservation employées par les communautés et les gouvernements locaux. »
Savoir avant de l’ouvrir quoi. Quel doux rêve dans cette belle société moderne et ignorante qui fait de l’indignation permanente son mode de pensée.