Le média Blast livre une diatribe binaire qui caresse son camp dans le sens du poil, mais qui renonce à convaincre qui que ce soit d’autre.
Il y a des moments où l’on se demande si certains veulent convaincre ou simplement s’auto-applaudir entre gens formidables. La vidéo de Blast intitulée « Pourquoi les gros viandards sont majoritairement des machos réactionnaires ? » en est un parfait exemple. Derrière son vernis militant, elle incarne une stratégie rhétorique bien connue : essentialiser l’adversaire pour ne plus avoir à lui parler.
Pourquoi les gros viandards sont majoritairement des machos réactionnaires ?
— BLAST, Le souffle de l'info (@blast_france) March 24, 2025
➡️ https://t.co/JHLH8JJhPS
Dans son nouveau livre, Tu seras carnivore, mon fils, Amanda Castillo, montre comment l'oppression des femmes et des animaux sont liés mais aussi comment le patriarcat… pic.twitter.com/BRzlfxnUrt
L’argumentaire repose sur une enquête Ifop — réelle — liant consommation de viande rouge et sexisme. Et si ces corrélations méritent d’être explorées, la vidéo en fait une démonstration à l’emporte-pièce : plus tu manges du steak, plus t’es de droite, misogyne et viriliste. Cette réduction de l’individu à son assiette ressemble davantage à un slogan de manif qu’à une tentative sérieuse d’analyse sociologique.
Le ton est moralisateur, le discours binaire, et surtout, tout est présenté comme une évidence. Or, rien n’est plus stérile que de traiter son contradicteur comme un débile rétrograde. C’est exactement ce que fait la vidéo : elle parle des viandards, jamais aux viandards. Résultat ? Elle fait mouche dans sa propre bulle mais rebondit contre tous les autres.
A lire aussi : Un restaurant Gueuleton attaqué par des antispécistes
En face, l’effet boomerang est immédiat : moqueries, provocations en chaîne (les fameuses photos de barbecues envoyées à Sandrine Rousseau), et repli identitaire autour du steak comme d’un totem. Et c’est là que l’impasse apparaît. Car ce type de discours, loin de faire évoluer les mentalités, les rigidifie. Il enferme les uns dans leur caricature et les autres dans leur tour d’ivoire progressiste.
Le but, pourtant, devrait être de questionner les normes, pas de les remplacer par de nouvelles injonctions venues d’en haut. Oui, il y a des liens entre genre, consommation et culture. Mais si on veut que les « gros viandards » tendent l’oreille, encore faut-il leur parler autrement qu’avec mépris.
Bref, cette vidéo est efficace pour récolter des likes sur X et recevoir des tapes dans le dos dans les dîners entre amis végans déconstruits. Pour faire évoluer les mœurs ? On repassera.
A voir aussi en vidéo :
Blast s’appuie sur un sondage de 2022. Ils sont en retard.
Sur le fond de cette affirmation, comment qualifient-ils Hitler, lui qui ne mangeait ni viande, ni poisson ?
Une couille molle ? Un féministe ?
NB: Une des goûteuses d’Hitler, l’Allemande Margot Woelk, rescapée de la guerre, avait raconté en 2013, à 95 ans, dans les colonnes du Daily Mail et du Time ses deux années de goûteuse au service d’Hitler. Hitler un parfait végétarien, ce qu’on savait déjà.
Mince , j’allais faire la vidange de la moto mais du coup j’hésite, c’est peut-être misogyne… Non mais sans déconner, c’est presque frustrant quand tes adversaires d’idées se ridiculisent tout seuls.
Je pense plutôt que l’article de Blast s’adresse à son lectorat pour essayer de le sensibiliser à la question (ça n’est pas comme si l’antispécisme et le souci de la question animale étaient très répandus au sein de ce milieu non plus). De fait, la revue Blast elle-même ne publie pas beaucoup sur le sujet, et on ne peut pas dire que ce soit son fer de lance !
C’est sûr que ça vaudrait le coup de pouvoir discuter tranquillement, calmement et raisonnablement (et même, qui sait, rationnellement) de toutes ces choses ; mais il faut bien admettre que la difficulté ne vient pas unilatéralement des antispécistes qui seraient rétifs à confronter leurs idées ; de fait, le débat est généralement impossible, rendu impossible parce que les gens ne veulent pas débattre du sort qu’on fait aux animaux, de la légitimité (ou non) du fait qu’ils les font tuer ou qu’ils les tuent eux-mêmes, etc.
Le commentaire sur « Hitler végé » illustre d’ailleurs bien ce fait : quelle pertinence cela pourrait-il bien avoir que Hitler ait réellement été végé ? Comme disait un copain, Pinochet mangeait des rillettes, lui ! ( 🙂 ). (sans parler du fait que le Hitler en question n’était guère végé : il aimait les cailles farcies, par exemple, ce qui n’est pas très végétal, et il a fait interdire les associations végés sur toute l’étendue des territoires du Reich…).
Bref, je m’écarte de mon sujet… Mais oui, ce serait bien de pouvoir débattre sur le fond… (la légitimité morale de tuer des animaux pour un oui ou pour un non, et notamment, pour satisfaire un simple plaisir gustatif… et, sans doute, accéder à une symbolique qu’il y a derrière tout ça).