Pêche : le « no-kill » en question

Chasse Actu
date 02 octobre 2024
author Léa Massey

En occultant des études scientifiques pertinentes et en donnant la parole à des groupuscules antispécistes, l’article de Science et Avenir sur la pêche no-kill démontre une légèreté journalistique regrettable.

Le récent article de Science et Avenir sur la pêche no-kill présente un discours critique de cette pratique sans apporter une analyse équilibrée et approfondie. Les omissions et les généralisations qu’il contient révèlent une légèreté journalistique surprenante, étant donné l’importance de ce sujet pour la préservation de la faune aquatique. Plutôt que d’offrir une vue d’ensemble nuancée, cet article semble se focaliser sur des arguments sensationnalistes au détriment de la réalité scientifique.

Un discours simpliste sur une réalité complexe

Science et Avenir évoque des taux de mortalité des poissons relâchés variant de 0 à 89 %, sans jamais approfondir la diversité des pratiques no-kill et les facteurs qui influencent ces taux. En procédant ainsi, le média jette l’opprobre sur une pratique pourtant bénéfique dans de nombreux cas. En effet, les études scientifiques dans ce domaine montrent que la réalité est plus nuancée. Les taux de mortalité sont grandement influencés par des éléments tels que l’espèce de poisson, la technique de pêche, la température de l’eau, le type d’hameçon et les méthodes de manipulation. Mais de tout cela, Science et Avenir ne fait qu’une mention superficielle.

De nombreuses recherches, que l’article omet de citer, montrent pourtant que la pêche no-kill, bien pratiquée, peut entraîner des taux de mortalité faibles. Le Florida Fish and Wildlife Conservation Commission (FWC), par exemple, rapporte des taux de survie de 98 % chez certaines espèces de poissons comme les snooks, lorsqu’ils sont correctement manipulés et relâchés. Les hameçons laissés en place dans les cas de poissons accrochés profondément permettent aux poissons de rejeter ou d’encapsuler les hameçons sans conséquence fatale ​(FWC). Pourquoi ce chiffre est-il absent de l’analyse de Science et Avenir ? Serait-ce parce qu’il ne correspond pas au discours à charge de l’article ?

L’oubli des efforts des pêcheurs et des fédérations

L’article se contente de mentionner brièvement certains éléments qui influencent la survie des poissons, comme le type d’hameçon et la manipulation. Mais il ne reconnaît jamais les efforts déployés par les pêcheurs no-kill et les fédérations pour améliorer leurs pratiques. Dans de nombreux pays, et notamment en France, les pêcheurs et les fédérations de pêche ont développé des programmes de sensibilisation et des guides pour encourager des pratiques de pêche respectueuses des poissons. Des recommandations claires sont formulées sur l’utilisation d’hameçons sans ardillon, la remise à l’eau dans des conditions optimales, et la manipulation correcte des poissons.

A lire aussi : PETA s’en prend à la pêche

En France, des fédérations départementales comme la Fédération de Pêche du Morbihan publient des guides de bonnes pratiques pour sensibiliser les pêcheurs aux gestes qui minimisent l’impact sur les poissons. Ces efforts sont essentiels et montrent un engagement réel pour la préservation des espèces, engagement totalement ignoré dans l’article de Science et Avenir. Comment un média sérieux peut-il prétendre faire le point sur la pêche no-kill sans prendre en compte ces initiatives cruciales ?

Les omissions scientifiques : où sont les preuves contraires ?

Culum Brown, chercheur en écologie comportementale, est cité dans l’article pour affirmer que sortir un poisson de l’eau peut provoquer des lésions internes. Certes, cet argument a sa place dans le débat, mais il ne doit pas être érigé en vérité absolue sans mise en contexte. En effet, d’autres études scientifiques montrent que les poissons peuvent s’adapter et que des manipulations adéquates peuvent minimiser ces risques.

Ainsi, une étude publiée dans Fisheries Management and Ecology a montré que le taux de survie des truites arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss) atteignait 96,99 % lorsque la pêche no-kill était réalisée dans des conditions optimales. Les chercheurs ont simulé des événements de capture et de remise à l’eau dans un environnement contrôlé, et ont constaté que la croissance et la mortalité des poissons ne variaient pas de manière significative entre les poissons capturés et ceux non capturés​(USGS Publications). Ces résultats ne méritaient-ils pas une place dans l’article de Science et Avenir, qui prétendait offrir un point complet sur le sujet ?

Pourquoi donner la parole à un groupuscule sans assise scientifique ?

Un autre point étonnant dans cet article de Science et Avenir est la place accordée à l’association PAZ (Projet Animaux Zoopolis), un groupuscule antispéciste dont le discours repose uniquement sur un dogme idéologique. Leur intervention, centrée sur le stress et les blessures des poissons, ne s’appuie sur aucune base scientifique. PAZ n’a pas d’expertise en biologie aquatique ni en gestion des écosystèmes, pourtant Science et Avenir leur donne une tribune. Pourquoi donner la parole à un mouvement qui refuse toute approche scientifique et dont l’unique boussole est sa croisade antispéciste ? On peut légitimement s’interroger sur la légitimité de leur inclusion dans un article supposé « faire le point » sur une pratique aussi complexe que la pêche no-kill. Ce choix démontre un manque de rigueur éditoriale et alimente une vision biaisée du sujet.

Une analyse tronquée des pratiques responsables

L’article de Science et Avenir passe à côté d’un élément clé : la pêche no-kill est souvent une alternative à la pêche traditionnelle, où les poissons sont tués. Elle s’inscrit dans une démarche de gestion durable des populations piscicoles, permettant de préserver les stocks de poissons tout en maintenant la pratique de la pêche. Le simple fait de la présenter comme une pratique cruelle ou inefficace revient à occulter la raison pour laquelle elle a été adoptée par de nombreux pêcheurs à travers le monde.

Les fédérations et organismes comme l’OFB (Office français de la biodiversité) encouragent la pêche no-kill comme un outil de préservation des espèces, tant pour sa capacité à réduire l’impact sur les stocks de poissons que pour son potentiel à changer les mentalités des pêcheurs en faveur d’une pratique plus durable​. Ces aspects sont relégués au second plan, voire ignorés, dans l’article de Science et Avenir.

Un manque de rigueur et une vision partiale

L’article de Science et Avenir sur la pêche no-kill illustre une certaine légèreté journalistique. En ne présentant qu’une facette de la réalité, en omettant des études scientifiques pertinentes, et en ignorant les efforts des pêcheurs et des fédérations, il propose une vision tronquée et biaisée de la pêche no-kill. Ce n’est pas en passant sous silence les nuances et les initiatives positives que l’on rendra service à la faune aquatique et aux débats autour de sa préservation.

Loin d’être une pratique exempte de risques, la pêche no-kill est néanmoins une alternative plus favorable à la biodiversité que la pêche traditionnelle. La responsabilité des médias est d’informer avec rigueur et de présenter les faits dans toute leur complexité. Espérons que, dans le futur, Science et Avenir saura aborder ce type de sujet avec plus de profondeur et d’équilibre.

A voir en vidéo :

Partager cet article
12 Commentaires :
  1. mouchous
    02/10/24

    Espérons que dans le futur science et avenir n’existe plus ! C’est comme géo pour les ados et autres publications qui se font passer pour des journaux renseignés et au fait des dernières choses et qui ne vivent que sur du semblant et un manque évident de recherche. N’importe qui avec un ordinateur peut se renseigner et produire ce genre d’articles qu’ils proposent, mais pas trop de recherche quand même il suivent la mouvent wook !

    1. Blasquez
      08/10/24

      Bonjour ces personnes ne sont peut être jamais aller à la pêche et ne connaissent rien surtout au bénévoles qui toute l’année protège le milieu aquatique nettoie les rivières les chemins alors messieurs venez voire les pêcheurs discuter avec eux et surtout apprenez cordialement

  2. Olivier MEAU
    02/10/24

    Après cela fait longtemps que ce magazine se fout de la science et se soucie surtout de son avenir. J’en ai pour preuve un récent article plus que complaisant sur l’agriculture biodynamique.

    1. Pavard
      07/10/24

      Bonjour,
      Je pratique le No Kill dans un etang privé regle No Kill sur les carpes et brochets depuis des années. Il est très rare de rencontrer des poissons morts au bord de l’eau.

  3. Alain
    03/10/24

    Si je ne me trompe pas, le « No-Kill » est interdit en Suisse justement pour des questions de respect de l’animal.
    Si tu le mange, par contre, c’est bon 😉

    1. Jeff
      08/10/24

      Pêcheur nokill du carnassier de longue date notamment dans des lacs jurassiens privés, je n’ai que très rarement constaté des décès dans les poissons rejettés avec soin, épuisette systématique, hameçons sans ardillon, manipulation précosionneuse. Ceci dit le no kill est interdit et amendable en Suisse voisine, prétextant le traumatisme rédhibitoire vécu par le poisson ! J’apporterai un petit bémol, avec un exemple vécu, le nokill est pratiqué à haute dose dans les grands lacs Troyens d’Orient, pour cause de baguage obligatoire de ses prises au nombre limité annuellement et d’un brochet doublement maillé. Alors certes les captures de métrés sont nombreuses, mais le nombre de poissons aux machoires fracassées fait hélas un peu pitié… ! Le nokill n’est pas 100% parfait donc.

  4. GUILLAUME MARKUS
    04/10/24

    La pêche pour du poisson qui finit dans des assiettes je comprends. Lorsque nous allons à la chasse c’est pour rapporter du gibier qui finira dans nos assiettes (hors tirs de destruction).

    Je considère la pêche no-kill, exclusivement no-kill, comme une aberration.

    Ce n’est pas respecter la nature.

    1. Snjor
      05/10/24

      ce serait comme faire de la chasse au harpon : chevreuil et sanglier relâchés après…

  5. Thévenot
    07/10/24

    Je suis pecheur à la mouche depuis 50 ans , je pêche exclusivement en no kill, il m’arrive de reprendre un poisson déjà pêché, reconnu par des marques distinctives , hameçon sans ardillon pour un décrochage facilité. Le poisson est très souvent décroché dans l’eau sans le toucher. Ayant arbitré les championnats de France mouches 2e division, tous les pécheurs font cela. Le taux de mortalité existe mais il est extrêmement faible. Bonne journée .

  6. JLV
    07/10/24

    Pour chasser en no kill abandonnez vos fusils et cette pratique ancestrale ignoble qui consiste à autre la vie à des êtres vivants . De quel droit ?
    Apprenez la photographie et gardez les images superbes d’animaux sauvages vivants .

    1. Jeannot Patrick
      08/10/24

      Je suis d’accord pour le no kill, mais bon voilà il ne faut pas en abuser, moi pecheur du grand est, (54) Toul, ils en mettent en veut tu en voilà, et je trouve que cela tue la pêche vu le peu de monde que l’on retrouve au bord de l’eau .

  7. Michel MARTIN
    08/10/24

    Sur le fond, pour nos opposants, il n’y a pas de différence entre chasse et pêche. Ce sont pour eux des pratiques à faire disparaître tout simplement. Et on peut toujours essayer de les faire changer d’avis, ce sera peine perdue. Ils sont dans un monde naïf et disneysé où « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ». Le pêcheur ou le chasseur est le méchant qui fait du mal. Il doit donc disparaître !
    Le drame, c’est que le message passe et repasse dans l’esprit du citoyen lambda, et qu’il finit par s’y incruster pour de bon. PAZ l’a bien compris avec ses attaques incessantes et multiples à notre encontre. Comme disait Voltaire (ce n’est pas d’aujourd’hui !) : « critiquez, calomniez et il en restera toujours quelque chose ! ».
    C’est bien triste…

Soumettre un commentaire

Dans la même catégorie

Articles les plus récents